Des policiers devant le Parc olympique lyonnais, le 30 mai. | JEFF PACHOUD / AFP

Les attentats de Paris ont changé la donne. La menace terroriste est désormais au cœur des préoccupations dans les dispositifs de sécurité, à l’occasion des grandes manifestations populaires. Les précautions prises pour l’Euro 2016, qui débute vendredi 10 juin, fournissent une application à grande échelle d’une doctrine en pleine mutation, selon laquelle l’ordre public, l’intervention antiterroriste et l’organisation des secours doivent s’articuler différemment. A Lyon, deux exercices en donnent l’illustration.

Dans une simulation d’attaque terroriste contre la « fan-zone », mardi 7 juin à partir de 20 h 30, le scénario élaboré par les autorités est résumé en quelques lignes : « Un kamikaze actionne une ceinture d’explosifs alors qu’il se trouve dans la file d’attente. Ensuite deux autres personnes tirent en rafale dans la foule, provoquant un mouvement de panique. » Près de 450 policiers et secouristes, ainsi que 180 figurants, vont participer à l’opération.

Installée place Bellecour, en plein centre-ville, la « fan-zone » de Lyon pourra accueillir jusqu’à 20 000 personnes dans un espace clos, ouvert tous les jours de la compétition, de midi à 23 h 45. Face à une telle attaque, la première des priorités consiste à détecter et à neutraliser le plus rapidement possible les terroristes. La mission revient aux unités les plus proches de l’événement. Pour ces « primo-arrivants », selon le jargon policier, la difficulté est accentuée par les mouvements de foule, avec la possibilité d’auteurs dissimulés parmi les victimes. D’où une progression délicate, mètre par mètre, face à une menace mal définie.

« Les primo-arrivants ont un rôle déterminant et complexe, ils doivent évacuer un maximum de monde, tout en neutralisant ou repoussant les terroristes, avant l’arrivée du RAID ou de la BRI [brigade de recherche et d’intervention] », explique le chef d’une unité d’intervention lyonnaise. Des policiers qui avancent armes tendues, traversant et fouillant un public affolé, avec les mains en l’air : l’image était saisissante, lors d’un précédent exercice, le 30 mai, devant le grand stade de Lyon. Il s’agissait dans ce cas de gérer une scène de panique après l’explosion d’une ceinture d’explosif à la sortie d’un match.

« Révolution pour tous les services »

Les policiers assurent simultanément une autre mission : secourir les premières victimes, en les éloignant des zones exposées. Dans l’exercice du grand stade, l’image d’un policier déplaçant des victimes gravement touchées, sous la protection du bouclier de son collègue, illustrait là encore les récents changements des modes d’intervention en cas de crise. « C’est une révolution pour tous les services, il faut apprendre à travailler à plusieurs dans l’urgence et la cohérence », explique le chef d’intervention.

Pour les secouristes aussi, la mission s’est modifiée. Il s’agit d’aller au contact des victimes dans des conditions de dangerosité extrême. Durant l’exercice du 30 mai, des colonnes de sapeurs-pompiers avançaient, précédées de policiers suréquipés. Deux mouvements doivent se conjuguer : pendant que des policiers aident des blessés, des pompiers progressent sous protection. « Le but est de donner un maximum de chances de survie aux victimes, indique le colonel Serge Delaigue, directeur du service d’incendie et de secours du Rhône. La première heure est la plus complexe à gérer, il faut trouver une balance entre la sécurité de tous et le service aux victimes. »

La crainte d’un « sur-attentat » est la plus forte. « On ne peut pas mettre en danger des secouristes, s’ils deviennent victimes à leur tour, la situation est catastrophique, c’est à la police de donner le signal quand les conditions sont réunies pour approcher », explique Lucien Pourailly, directeur départemental de la sécurité publique du Rhône.

« Le niveau de menace est extrêmement élevé, nous devons nous mettre en situation réelle, tout en associant les organisateurs de la compétition sportive aux modalités d’intervention », indique Michel Delpuech, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Dans une ville qui va accueillir six matchs, dont un huitième de finale et une demi-finale, le choix relève aussi d’une stratégie de communication à quelques jours du début de la compétition : s’efforcer de montrer que les conditions de sécurité sont assurées et conforter l’image du pays organisateur.