VALERY HACHE / AFP

L’équipe de France vient de se qualifier pour les huitièmes de finale de l’Euro, au terme de son match nul (0-0) face à la sélection suisse, ce dimanche à Lille. En terminant première de son groupe, la France est assurée de jouer son huitième de finale contre un troisième de groupe (à Lyon, le dimanche 26 juin à 15 heures) puis, si elle continue son chemin, contre un deuxième de groupe en quarts de finale (à Saint-Denis, le dimanche 3 juillet à 21 heures).

Pour la Suisse, ce sera plus compliqué : elle affrontera un deuxième de groupe (celui du groupe C : Allemagne, Pologne ou Irlande du Nord) en huitièmes puis, si elle passe ce cap, ce sera probablement le vainqueur du groupe D (Espagne ou Croatie) qui se dressera sur sa route en quarts. Le match d’hier avait donc plus d’enjeu qu’il n’y paraissait pour une équipe de France déjà qualifiée : pour aller loin dans le tournoi, il était très important de finir en tête du groupe A.

La chose étant désormais acquise, il reste à savoir quel adversaire les Bleus retrouveront au Parc OL dimanche prochain en huitièmes de finale. La nouvelle formule de l’Euro, avec 24 équipes réparties en 6 groupes de 4, oblige l’UEFA à qualifier 4 des 6 troisièmes de groupe pour les huitièmes de finale. Les troisièmes de groupe sont classés en fonction des critères suivants (dans l’ordre) : plus grand nombre de points obtenus ; meilleure différence de buts ; plus grand nombre de buts marqués ; fair-play (nombre de cartons jaunes et rouges reçus) ; coefficient UEFA.

Quinze combinaisons possibles

L’UEFA a décidé, avant le tirage au sort des groupes effectué le 12 décembre dernier, que les 4 meilleurs troisièmes seraient opposés aux vainqueurs des groupes A, B, C et D. Ces 4 meilleurs troisièmes peuvent être issus des groupes A, B, C, D, ou bien A, B, C, E, ou bien A, B, C, F, etc. Il y a au total quinze combinaisons possibles. Le tableau suivant précise, pour chacune de ces 15 combinaisons, les adversaires des vainqueurs des groupes A, B, C et D. Par exemple, si les 4 meilleurs troisièmes sont issus des groupes A, B, C, D (première ligne du tableau), alors le vainqueur du groupe A (WA, pour Winner A) rencontrera le troisième du groupe C, le vainqueur du groupe B rencontrera le troisième du groupe D, le vainqueur du groupe C rencontrera le troisième du groupe A, et enfin le vainqueur du groupe D rencontrera le troisième du groupe B.

Pour tenter de deviner qui sera l’adversaire de la France en huitièmes, il faut regarder la première colonne du tableau (colonne WA). Elle indique que les Bleus, vainqueurs du groupe A, ne pourront affronter que les troisièmes des groupes C (dans 9 cas sur 15), D (dans 3 cas sur 15) ou E (dans 3 cas sur 15). Il semble donc assez probable que la France jouera contre le troisième du groupe C : Allemagne (4 points après les 2 premiers matchs), Pologne (4 points également) ou Irlande du Nord (3 points).

A ce titre, on peut s’étonner que l’UEFA ait désigné l’arbitre français Clément Turpin pour arbitrer le match entre l’Allemagne et l’Irlande du Nord ce mardi. Vu que la Pologne affrontera une Ukraine déjà éliminée, la troisième place de ce groupe semble promise à l’Irlande du Nord, qui pourrait bien voir son compteur bloqué à 3 points en cas de défaite contre la Mannschaft.

Surprise

Plus précisément, si le troisième du groupe C fait partie des 4 meilleurs troisièmes (10 combinaisons sur 15), alors ce serait très probablement l’adversaire des Bleus en huitièmes (9 cas sur 10). Or, ce cas de figure est probable, car les 3 points que compte déjà l’Irlande du Nord pourraient bien suffire pour faire partie des 4 meilleurs troisièmes. On sait déjà que, même si l’Irlande du Nord perd contre l’Allemagne par 1 ou 2 buts d’écart, elle finira devant l’Albanie (troisième du groupe A avec 3 points et une différence de buts de – 2) au classement des meilleurs troisièmes. De plus, dans le groupe E, à moins d’une victoire surprise contre l’Italie et la Belgique lors de la dernière journée, l’Irlande et la Suède compteront au maximum 2 points à l’issue de la phase de poules, et seraient donc elles aussi derrière l’Irlande du Nord au classement des meilleurs troisièmes.

Dans ce cas de figure, le troisième du groupe C ferait donc à coup sûr partie des 4 meilleurs troisièmes, et, à l’inverse, le troisième du groupe E n’en ferait très vraisemblablement pas partie (et n’en ferait à coup sûr pas partie si le Portugal ne perd pas contre la Hongrie lors de la dernière journée du groupe F, ce qui semble probable). Or, dans ce cas, le tableau de répartition des troisièmes de groupe nous indique que la France jouerait à coup sûr (4 cas sur 4 : A, B, C, D ; A, B, C, F ; A, C, D, F et B, C, D, F) contre le troisième du groupe C.

En conclusion, il est donc probable que la France jouera son huitième de finale contre l’Irlande du Nord si celle-ci ne prend pas une « valise » contre l’Allemagne, et si l’Italie, déjà qualifiée et assurée de la première place du groupe E, ne laisse pas filer son match contre l’Irlande. Les Bleus et leurs supporteurs ont donc intérêt à suivre les matchs des deux Irlande…

Manque de symétrie

Enfin, le lecteur curieux pourrait se demander d’où sort ce tableau de répartition des troisièmes de groupe. Comme je l’explique ici [lien vers ssrn.com/abstract=2714199], un tel tableau garantit que deux équipes issues d’un même groupe ne peuvent se rencontrer de nouveau avant les demi-finales, et que vainqueur et deuxième d’un même groupe ne peuvent se rencontrer de nouveau avant la finale. Or beaucoup de tableaux ont cette propriété (65 536 pour être précis) ; l’UEFA en a juste choisi un au hasard (l’UEFA a en fait simplement copié le tableau que la FIFA a utilisé pour les Coupes du monde 1986, 1990 et 1994).

Or le tableau de l’UEFA manque de symétrie. Par exemple, comme on l’a vu, si le troisième du groupe C se qualifie pour les huitièmes de finale, il a 9 chances sur 10 de jouer contre le vainqueur du groupe A (partie basse du tableau final), et seulement 1 chance sur 10 de jouer contre le vainqueur du groupe B (partie haute du tableau final). Rien ne vient justifier cette asymétrie. Un tableau symétrique attribuerait, lui, des probabilités égales (1 chance sur 2) à chacune de ces deux possibilités, pour tous les groupes. Parmi les 65 536 tableaux, exactement 1 000 ont cette propriété de symétrie. Il semblerait plus naturel qu’à l’avenir l’UEFA choisisse l’un de ces 1 000 tableaux.