Qui dit que les Français sont nuls en langues ? N’importe quoi. Là où traditionnellement, on se contentait de faire référence aux « Diables rouges » pour nommer l’équipe d’un pays qui a l’élégance de parler (du moins partiellement) la même langue que nous, on ne compte plus désormais les références à « la Roja », crachées avec un accent parfaitement castillan, à la « Nati » (plus facile à prononcer, il est vrai), ou à la « Squadra » (souvent sans « azzurra », après tout, le bleu est déjà réservé). Sans oublier, bien sûr, « la Mannschaft » !

Curieux destin que celui d’une expression qui s’est imposée dans le discours médiatique français vers la fin du siècle dernier et qui a toujours interpellé les Allemands de passage, puisqu’elle n’a jamais, au grand jamais, été utilisée en Allemagne. On disait « die Nationalmannschaft » ou « die Nationalelf » (le « onze national »), mais « die Mannschaft », cela n’avait aucun sens et cela sonnait faux. On avait beau se creuser la tête sur l’origine de cette manie. Etait-ce pour gagner de la place dans les journaux, par fainéantise, ou en raison d’un manque flagrant de familiarité avec la langue de Götze ? Toujours est-il que les Français continuaient allègrement à utiliser ce nom comme s’il était d’origine.

Et la persistance française a fini par payer ! A la suite de la Coupe du monde au Brésil et de la découverte d’un joli compliment sur Twitter – selon lequel le Brésil avait Neymar, l’Argentine, Messi, mais l’Allemagne avait tout simplement une équipe –, Oliver Bierhoff, le manager francophile et francophone de l’équipe allemande a décidé de faire de « Die Mannschaft » une véritable marque commerciale. Le mot a été choisi comme titre pour le documentaire sur l’aventure brésilienne, peint en grand sur le car, mis en valeur sur le site Web officiel, et est désormais mis à toutes les sauces. Ce n’est plus un surnom pour une bande de footballeurs, c’est un vrai processus de « re-branding » appliqué à un produit mondialement connu et visant à en augmenter encore la notoriété globale. Du grand marketing !

D’autant plus que, une fois imposé, le nom est déclinable à l’infini. Il suffit de changer l’article ! « The Mannschaft »sounds great, doesn’t it? Et cette année, cette expression « made in France » revient en quelque sorte à la maison ! La boutique du magazine Kicker vend des tee-shirts qui affichent en français « J’adore la Mannschaft » et, comble de la commercialisation, le sponsor principal de l’équipe, Mercedes-Benz, lance une campagne de modèles spéciaux sous le titre « Vive la Mannschaft » – en français dans le texte. De mauvaises langues diront qu’il y était bien obligé, vu que « Das Auto » est déjà pris par un concurrent.

Un grand merci aux Français, donc. Continuez à simplifier, à fluidifier la langue allemande. Vous rendrez service aux Allemands. Débarrassez-les de leurs noms imprononçables (comment peut-on s’appeler « Schweinsteiger » ?) et de leurs mots à rallonge (ce n’est pas eux qui gagneront l’« Europameisterschaftsendspiel » grâce à un « Elfmeterschießen », c’est nous qu’on va gagner « la finale de l’Euro aux pénos »). Ils s’y habitueront, il suffit d’insister !