Le Slovaque Marek Hamsik célèbre son but, mercredi 15 juin. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

C’était un match à ne plus savoir où donner de la tête. Les journalistes avaient beau le savoir avant le coup d’envoi de Russie-Slovaquie, l’exercice s’annonçait tout de même sacrément compliqué. Que regarder ? Le spectacle sur la pelouse ? Celui dans les tribunes du stade Pierre-Mauroy, pas complètement rempli ? Le dilemme faisait craindre à l’avance un torticolis.

Car mercredi après-midi, entre la Russie et la Slovaquie, l’enjeu ne se situait pas seulement au niveau du gazon. Sur le terrain, la Sbornaïa du sélectionneur Leonid Sloustki avait certes l’occasion de prendre la tête provisoire du groupe B en cas de victoire et de quasiment s’assurer une qualification sportive pour les huitièmes de finale de l’Euro. Sans conclusion définitive : une défaite n’était pas rédhibitoire. En tribunes en revanche, la Russie jouait gros. Suspendue avec sursis mardi 14 juin par l’UEFA et condamnée à une amende de 150 000 euros après les débordements violents de ses supporteurs au stade Vélodrome en marge de la rencontre face à l’Angleterre (1-1), samedi, elle risquait rien de moins que l’exclusion du tournoi en cas de nouveaux incidents dans l’enceinte de la métropole lilloise.

Défaite par les Slovaques (2-1), la Russie pourrait sortir du tournoi pour des raisons uniquement sportives, dès les phases de poules, comme en 2012. La faute à une Slovaquie réaliste et portée par un très grand Marek Hamsik, auteur d’une passe décisive et d’un but remarquables dès la première mi-temps. Mais elle pourrait aussi payer très cher le fumigène allumé par ses supporteurs à dix minutes de la fin de la rencontre, après le but russe, si l’UEFA décide de ne pas fermer les yeux sur ce nouvel incident.

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Interpellations

La question de la sécurité a agité la région ces derniers jours. La présence de supporteurs russes, slovaques mais aussi anglais et gallois - pour cause de match Galles-Angleterre, jeudi, à Lens, distante d’environ 35 kilomètres de Lille - faisait craindre le pire, et un « match retour » des violences à Marseille, dont le bilan s’est établi à 35 blessés. Mardi, une quarantaine de supporteurs russes ont été arrêtés à Mandelieu-la-Napoule, près de Nice - plus d’une dizaine ont depuis été relâchés. Dans les Hauts-de-France, les autorités ont déployé des moyens impressionnants avec l’objectif affiché de « saturer l’espace public de policiers ». Dans son édition du mardi 14 juin, le quotidien local La Voix du Nord titrait sa « Une » avec la question que se posaient les autorités et les commerçants de la région : « Comment faire face aux hooligans ? » Mercredi, jour du match, la « Une » était cette fois-ci sur le baccalauréat, signe qu’aucun incident grave ne s’était produit la veille de la rencontre. Croisés dans le centre-ville quelques heures avant le match, une poignée de supporteurs slovaques assuraient ne pas craindre leurs homologues russes : « Russes et Slovaques, nous sommes des Slaves, et nous sommes habitués à nous côtoyer sur d’autres rencontres sportives, comme en hockey, donc pas d’inquiétudes, même s’il y a quelques dégénérés. Nous avons fait des photos avec des supporteurs russes. »

Mardi après-midi toutefois, quelques heurts ont eu lieu près de la gare Lille Flandres. En fin de journée et durant la nuit de mardi à mercredi, les autorités ont procédé à sept interpellations. « Plus des Bidochons que des hooligans », selon la formule du préfet de région, Michel Lalande. Au royaume de la bêtise la plus affligeante, il apparaissait difficile de décerner la couronne. Sans aucun doute, ces Anglais filmés en train de se moquer d’enfants roms en leur jetant des pièces la méritaient-ils. Mais il aurait fallu en offrir une autre à ces deux Russes, dont la voiture fut contrôlée par la police, avec à bord des armes, une batte de base-ball et un marteau. Ils ont tous deux été placés en garde à vue.

A un journaliste de l’AFP, un hooligan russe déclara : « On va se battre. Si les Anglais ont le courage de venir, on les écrasera : les Anglais, on les hait. » De fait, il y eut quelques débuts de rixes dans la nuit de mardi à mercredi, dont certaines filmées et relayées sur Twitter, mais sans gravité.

Visiblement, les mots du sélectionneur russe, Leonid Sloutski n’ont pas été bien entendus par certains. « On a parlé avec les représentants de nos supporteurs et on leur a demandé de bien se comporter », avait-il déclaré en conférence de presse, mardi. A côté de lui, son attaquant, Artem Dzoubia, n’avait pas franchement condamné les violences des Russes à Marseille : « On a un peu l’impression, à la lecture de la presse britannique, que les supporteurs anglais sont des anges. Mais il faut être objectif et comprendre que les torts sont partagés. » Avant d’agiter la théorie bien connue du complot : « Je reste persuadé qu’il y a un fond politique là-dedans. Surtout quad on voit comment la presse anglaise commence à remettre en cause l’organisation de la Coupe du monde 2018 en Russie. »

Sur le terrain, mercredi après-midi, la bataille fut tout à fait correcte, sans coup bas et sans tension excessive. Aucun carton jaune distribué en première mi-temps par l’arbitre slovène Damir Skomina. Au terme d’un premier quart d’heure de jeu assez terne, les rôles semblaient déjà bien répartis : à la Russie la possession de balle, aux Slovaques les contre-attaques.

Hamsik bien en jambes

Paradoxalement, quelques minutes après la plus grosse occasion russe, une frappe de Fedor Smolov au ras du poteau de Matus Kozacik (27e), les Slovaques ouvrirent le score par Vladimir Weiss (31e). D’un crochet dans la surface de réparation, le Slovaque élimina le défenseur Vasili Berezutski avant de placer une frappe enroulée. Mais sur cette action, la passe décisive de Marek Hamsik, un sublime ballon en profondeur délivré du pied gauche, idéalement dosé, valait tout autant que la conclusion de Weiss. Hamsik, star de sa sélection, s’était déjà montré bien en jambes sur une frappe au-dessus des buts d’Afinkeev (9e). Et à la 44e minute, c’est encore le milieu offensif de Naples qui offrait le break aux Slovaques, d’une superbe frappe enveloppée du pied droit cette fois et qui rentrait à l’aide du poteau. Son 19e but en 89 sélections.

A la reprise, fort de leur double avantage, les Slovaques contrôlaient le match, se montrant parfois dangereux sur des éclairs de Mak, Weiss ou Hamsik. La Russie, dominatrice, se créait des occasions, mais trop peu de frappes cadrées. A droite, à gauche ou trop hautes : le gardien slovaque Matus Kozacik les voyait quasiment toutes passer à côté. Artem Dzyuba, du haut de ses 196 centimètres, pesait sur la défense sans la faire céder. Jusqu’à ce que Glushakov, entré en seconde période, marque de la tête sur un centre de Shyatov (80e). Relancés, les Russes renforcaient sensiblement la pression sur les buts slovaques, en vain. Les supporteurs de la Sbornaya, eux, ne trouvaient rien de mieux que de craquer un fumigène pour célérer le but de Glushakov, ce qui est strictement interdit par l’UEFA.

Avec cette défaite, les Russes sont condamnés à l’emporter, lundi 20 juin, face au pays de Galles, pour pouvoir viser se qualifier en huitièmes. Et d’espèrer que l’UEFA ne sanctionne pas le nouvel écart de leurs supporteurs. Du côté des Slovaques, tous les espoirs sont permis, et ils savent qu’ils peuvent compter sur un joueur sortant de l’ordinaire avec Marek Hamsik, qui a autant de talent que de tatouages, c’est dire.