Annoncés comme conquérants et séduisants, les Diables rouges avaient plutôt fait pâle figure pour leur entrée dans cet Euro, en chutant d’emblée contre l’Italie le 13 juin à Lyon. Ils se sont spectaculairement rattrapés en infligeant une lourde défaite à l’Irlande (3-0), samedi 18 juin à Bordeaux. Une défaite certes sévère mais en aucun cas injuste tant la domination des hommes de Marc Wilmots a été écrasante.

Dans l’échelle des matches à risque, c’était la rencontre à degré zéro. Les supporteurs des Diables rouges et ceux des Boys in Green jouissent de la meilleure réputation à cet Euro, ce qui s’est vérifié en ville et aux abords du nouveau stade. Echanges de bières sous les arbres – les Irlandais convertis à la Kro, faute de Guinness –, pipi collectif dans le lac, séances photos répétées et publics mélangés dans les tribunes. On patiente gentiment pendant que la sono diffuse le poignant The Fields of Athenry, chanson narrant la Grande famine en Irlande au milieu du XIXe siècle et adoptée par la sélection à l’occasion de la Coupe du monde 1990.

L’Irlande retranchée

La fraternisation n’est en revanche pas de mise sur la pelouse. Annoncés comme des favoris au début du tournoi en vertu de leur première place au classement UEFA et de leur pléiade de stars, les Diables rouges comptent bien cette fois justifier leur statut. Contre l’Italie, on a rapidement vu que leur attaque de feu devait composer avec une défense de carton. C’est un peu l’inverse pour les Irlandais, fer derrière, eau devant, rendus toutefois optimistes par leur nul (1-1) obtenu contre la Suède, alors qu’un succès leur tendait les bras au Stade de France. L’histoire ne les donne pas favoris puisque leur dernière victoire contre les Belges remonte à 1966, un match amical à Bruxelles. Il n’y en eut jamais en compétition.

Les acteurs se connaissent bien puisque sept titulaires belges émargent en Premier league anglaise, à Tottenham (les défenseurs Toby Alderweireld et Jan Vertonghen, le demi Moussa Dembelé), à Chelsea (le gardien Thibaut Courtois, la star capitaine Eden Hazard), à Manchester City (le milieu offensif Kevin de Bruyne, aussi flamboyant que sa tonsure rousse) et à Everton (l’avant-centre). En face, des joueurs au pedigree plus modeste, même si deux appartiennent également au club de Liverpool, tous pensionnaires des divisions anglaises. Trois de Norwich, les autres de Southampton, Aston Villa, Stoke et Sunderland. Deux évoluent même en Championship (deuxième division) à Burnley et Derby County.

Dans ce contexte, les hommes de Marc Wilmots n’ont aucun temps à perdre. Leur début de match est mené tambour battant. De Bruyne trouve rapidement Yannick Carrasco côté droit qui cadre son tir. Devant le but de Darren Randolph s’est dressée une falaise de Moher pour résister à l’énorme domination rouge. Le match se dispute dans une moitié de terrain avec huit Belges contre dix Irlandais, en isolant le pauvre attaquant Shane Long. Sur ses rares incursions, deux bourdes défensives ne mettent pas les Belges à l’abri d’une mauvaise surprise.

La Belgique est bien là

Hazard a une occasion en or d’ouvrir le score à la 21e sur un mauvais renvoi de la défense irlandaise, mais il confirme sa décevante saison en tirant au-dessus. Les Belges exultent dans la foulée quand Carrasco trouve le chemin des filets mais le joueur de l’Atletico Madrid est signalé hors jeu. Un nouveau tir cadré de de Bruyne, beaucoup plus percutant que Hazard, à l’approche de la demi-heure, une tentative du latéral droit brugeois Thomas Meunier, une tête d’Axel Witsel sauvée pratiquement sur la ligne de but… Rien n’y fait. La mi-temps est sifflée au moment où les Irlandais commencent à multiplier les fautes, heureux d’avoir laissé passer l’orage.

Hélas pour eux, la première action belge à la reprise est la bonne. Une infiltration de De Bruyne côté droit est suivie d’une remise somptueuse à Lukaku qui trompe enfin Randolph (48e) et inscrit le premier but belge de cet Euro. Le scénario doit être réécrit. Dépassés techniquement, les Irlandais ont alors recours à leurs qualités traditionnelles pour tenter de revenir au score, le courage et la ténacité. Ils parviennent enfin à créer le danger à l’approche de l’heure de jeu. L’espoir semble renaître, aussitôt douché par un superbe mouvement collectif belge, prolongé par un centre de Meunier repris victorieusement de la tête par Axel Witsel (61e).

Le kop belge chante, le peuple vert est coi. Assommoir, enfin, sur un ballon contré dans sa défense par Meunier, qui lance aussitôt Hazard le long de la ligne de touche. A l’issue de sa course, l’ancien Lillois trouve Lukaku esseulé (70e). Auteur d’un doublé, l’attaquant d’Everton sortira sous les applaudissements avant d’entendre son nom scandé. Euphoriques, les fans belges, qui rasaient les murs après la défaite contre l’Italie, ont auparavant tonné : « On est chez nous », puis « Allez Bordeaux chante avec nous ! ». La Belgique que l’on attendait avec sa génération dorée, est finalement bien là et cette nouvelle n’enchantera pas les Suédois de Zlatan Ibrahimovic qui doivent impérativement la battre le 22 juin à Nice.

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