Xherdan Shaqiri, mercredi 15 juin, au Parc des Princes, durant le match face à la Roumanie. | KENZO TRIBOUILLARD/AFP

« Shaqiri est suisse et il a très mal joué. » Vincent est déguisé en vache laitière, mais ça ne l’empêche pas d’avoir la sentence facile, et à double tranchant. Le trentenaire, supporteur d’une Nati qui vient de concéder un match nul contre la Roumanie (1-1), mercredi 15 juin, lors du deuxième match du groupe A, cherche surtout à recentrer le débat. Car, depuis une sortie dans la presse helvétique, Xherdan Shaqiri fait autant parler pour ses performances sur le terrain que pour les doutes qu’il laisse planer quant à son avenir avec les « rouge et blanc ».

Non pas que le joueur souhaite mettre un terme à sa carrière internationale. Il se laisse plutôt le loisir de la réorienter. Né en 1991 dans le village de Zhegër, dans ce qui était alors la Yougoslavie et qui est aujourd’hui le Kosovo, l’attaquant a désormais la possibilité de changer de tunique. Au début du mois de mai, le Kosovo est officiellement devenu le 55e membre de l’UEFA, et le 210e de la FIFA. En tant que nouvelle nation reconnue par la communauté internationale du ballon rond, le pays peut solliciter des joueurs qui comptent déjà des sélections avec d’autres nations. Libre à cette diaspora de changer de nationalité sportive, ce que fit, par exemple, le gardien Samir Ujkani, ancien portier de l’Albanie, qui a rejoint les rangs du Kosovo. Et c’est dans cette brèche que s’est engouffré Xherdan Shaqiri.

« Pas évident »

« Si le sélectionneur du Kosovo me téléphone et me dit : “Viens Xherdan, je veux que tu sois le capitaine de l’équipe nationale du Kosovo !” Qu’est-ce que je réponds ? Pas évident, donc on verra. Mais je précise que je n’ai pas eu d’appel jusque-là… », a notamment expliqué le joueur au quotidien suisse 24 heures.

Mercredi, à Paris, il fut acclamé lors de la présentation des équipes, mais noyé sous les sifflets à sa sortie

Du haut de son 1,68 mètre, le meneur de jeu de poche porte pourtant la Nati sur ses épaules depuis quelques saisons déjà. A 24 ans, il compte cinquante-cinq sélections pour dix-sept buts. C’est beaucoup. Peut-être un peu trop pour celui que certains ont vite affublé du surnom équivoque de « Messi des Alpes ». Mercredi, à Paris, il fut acclamé lors de la présentation des équipes, mais noyé sous les sifflets à sa sortie, à cinq minutes de la fin d’un match émaillé de gestes techniques inaboutis, comme ce ballon repris de façon acrobatique, d’un ciseau retourné, et qui a dû atterrir quelques minutes plus tard sur le périphérique parisien.

Formé au FC Bâle, Shaqiri fut un modèle de précocité : sélectionné à 19 ans pour le Mondial 2010, élu meilleur joueur du championnat suisse l’année suivante, transféré une saison après au Bayern Munich… Sauf que Shaqiri ne s’est jamais imposé en Allemagne, ni en Italie avec l’Inter Milan, qu’il a rejoint ensuite, avant de signer à l’été 2015 dans le modeste club anglais de Stoke City. En sélection, son influence s’étiole également, son dernier but remontant à octobre 2015, contre la Lituanie (2-1). Doucement, Shaqiri semble rentrer dans le rang.

Poses sur Twitter

Or, le garçon aime la lumière. Sur son compte Twitter, il s’affiche torse nu, muscles saillants et pantalon tombant sur un caleçon apparent. Ses plus fervents admirateurs peuvent même télécharger une application sur leur téléphone pour, au choix, profiter d’une visite en vidéo de sa maison ou le voir présenter des gestes techniques, comme la « ronaldinho », la « zidane » ou la… « shaqiri ».

Contrairement à ses nombreux coéquipiers suisses d’origine kosovare, comme Valon Behrami, « XS » ne souhaite pas se précipiter quant à son choix de sélection. Un non-choix qui a pu poser question. Dans La Tribune de Genève, Behrami rappelle toutefois que « c’est un choix tellement personnel qu’il ne faut pas s’immiscer dedans ». Tout en ajoutant : « Et d’ici là, j’espère que je ne vais pas m’énerver avec des conneries déjà entendues çà et là. »

Le vice-capitaine de la Nati est raccord avec ses supporteurs déguisés en vaches. Réajustant ses pis en tissu, Vincent balaye le sujet d’un revers de sabot. « Il n’y a pas de polémique sur cette histoire de nationalité sportive, Shaqiri joue pour la Suisse, c’est tout. Le vrai problème, c’est qu’il n’a pas encore compris que l’Euro avait commencé », assène-t-il, avant de revenir à l’essentiel. « On doit rentrer, parce que, samedi, il y a le tournoi de foot à 6 du FC Les Bois (dans le Jura suisse), avec une soirée fondue ensuite. Et le lendemain, on bat la France… » Xherdan Shaqiri aura peut-être enfin débuté son Euro.