Le football est un sport cruel. Surtout pour les supporteurs albanais, en ce début d’Euro. Venus en masse à Lens pour assister aux débuts historiques de leur équipe nationale, ils n’ont pas pu compter sur la chance du débutant et ont assisté à la défaite des leurs face à la Suisse (0-1), n’ont sans avoir cru à l’exploit. Surtout, ils ont vu leur emblématique capitaine, Lorik Cana, expulsé. L’ancien joueur de l’OM, qui a vu rouge dès la 36e minute pour une main volontaire, ne participera pas au match contre la France, mercredi 15 juin, à Marseille.

A Lens, plus petite ville hôte de cet Euro et dont le chaleureux stade Bolaert-Delelis et ses supporteurs mériteraient sûrement mieux que des rencontres de Ligue 2 - de Domino’s Ligue 2, excusez-nous -, il n’y avait d’ailleurs que du rouge cet après-midi. Pour une fois, la ville des Sang et Or avait mis de côté l’une de ses deux couleurs, passant au Sang pour Sang. Du rouge avec un peu de blanc et une croix pour les Suisses. Du rouge avec un peu de noir et un aigle pour les Albanais - sans oublier leur chapeau traditionnel, le « plisat ». Toute l’enceinte était monocolore donc. La sélection suisse avait dû opter pour le blanc, pour éviter les confusions.

Cana à la peine

Mais les apparences, déjà sacrément ressemblantes, étaient parfois trompeuses. Prenez Driton, un solide gaillard de 24 ans qui a parcouru des centaines de kilomètres en voiture pour venir jusqu’à Bollaert. A première vue, son maillot de l’Albanie aurait pu laisser croire qu’il soutenait la petite sélection des Balkans, bizuth à ce niveau de compétition. Mais sa casquette siglée « Suisse » montrait que ce natif de Saint-Gall avait pris la décision de ne pas choisir avant la rencontre. « Je veux juste voir le plus beau match possible, expliquait-il. Je sais que la Suisse est favorite, parce qu’il y a beaucoup d’Albanais dedans. »

Le spectacle, sur le terrain, n’a pas toujours été d’une qualité remarquable. D’abord par la faute d’une équipe d’Albanie entrée bien trop mollement dans son match et sanctionnée immédiatement par la Suisse. Sur un corner, le défenseur de la Nati Fabian Schärr plaçait une tête victorieuse, dès la 5e minute. Le gardien albanais, Etrit Berisha, auteur d’une sortie aussi peu académique qu’inefficace, ne tirait pas partie de sa grande taille (1 m 94).

Menée et privée de ballon durant les premières minutes de jeu, l’Albanie essayait de se ressaisir, mais il fallait attendre la 25e minute pour voir une première occasion pour la sélection des Balkans. Et encore la frappe de Taulant Xhaka - frère de Granit, qui joue pour la Suisse - passait bien au-dessus. Seul en pointe, Armando Sadiku tentait de faire ce qu’il pouvait, mais sa frappe croisée était repoussée par Yann Sommer, le portier helvète (30e). Sans arriver à conclure, les Suisses, par intermittence, semblaient quant à eux pouvoir déstabiliser à tout moment la vieille défense centrale Lorik Cana-Mergim Mavraj - 62 ans à eux deux.

C’est d’ailleurs Lorik Cana, capitaine aux 92 sélections, qui allait mettre ses coéquipiers dans l’embarras. Déstabilisé, pris de vitesse, il dégageait au sol un ballon de la main, aux abords de sa surface de réparation (36e). Carton jaune, puis rouge, puisqu’il en avait déjà reçu un pour un tacle trop appuyé douze minutes avant. Sur le coup franc suivant, la frappe de Blerim Dzemaili aurait pu offrir le break à la Nati, mais la balle est venue heurter le poteau de Berisha (37e). Le signe d’une deuxième mi-temps de tous les espoirs pour l’Albanie ?

L’Albanie, futur adversaire des Bleus

Après la pause, ce fut encore la Suisse, d’abord, qui eut les occasions les plus nettes, à l’image de cette frappe d’Haris Seferovic, bien repoussée par Berisha (52e). Mais jamais complètement résignés, les Albanais y ont cru, comme avec cette frappe de Sadiku dans le petit filet, qui fit passer des frissons dans les tribunes de Bollaert (75e). Surtout, à la 87e minute, Shkelzen Gashi, entré en cours de jeu, se procura un face-à-face incroyable face à Yann Sommer. La frappe de l’attaquant albanais fut détournée par Yann Sommer au-dessus des cages. Les derniers efforts albanais furent vains, et contenus tant bien que mal par une sélection helvète pas toujours emballante.

Avec cette victoire, la Suisse se place idéalement dans ce groupe A, avant d’affronter la Roumanie, mercredi 15 juin. La Nati signe aussi sa première victoire décisive lors d’un Euro puisque jusqu’à présent, en trois participations et neuf matchs, elle n’avait remporté qu’une seule rencontre, en 2008, lors d’un match sans enjeu face au Portugal.

L’Albanie, elle, devra espérer un bon résultat face à la France, mercredi, ou un faux-pas roumain qui pourrait lui laisser des chances de qualification même en cas de défaite face aux Bleus. Avec le système de meilleurs troisièmes introduit par l’UEFA - les quatre meilleurs troisièmes des six poules sont qualifiés pour les huitièmes de finale -, une seule victoire contre la Roumanie, le 19 juin, pourrait s’avérer suffisante. Le football est cruel, mais il reste toujours de l’espoir, même pour les supporteurs albanais. Certains d’entre eux se permirent la fantaisie d’allumer un fumigène en fin de match, pour célébrer leur joie de faire partie de cet Euro.