Bien que moins menacés par le chômage, les apprentis ne sont pas à l’abri de la crise | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Des apprentis qui s’insèrent mieux sur le marché du travail, avec un niveau de formation plus élevé qu’avant. Mais des apprentis dont la diversité des origines et des secteurs d’activité laisse encore à désirer. C’est un état des lieux complet de l’apprentissage en France que dresse le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), dans une note publiée mercredi 17 mai.

Alberto Lopez et Emmanuel Sulzer, les deux auteurs de l’étude, rappellent d’abord que l’objectif de développer l’apprentissage en France ne date pas d’hier. Et que François Hollande a été bien inspiré en promettant en 2012 d’atteindre « 500 000 apprentis d’ici la fin du quinquennat » puisque la promesse en avait déjà été faite avant lui… en 1993, puis en 2005. Un objectif qui sera de toute évidence difficile à atteindre, dans la mesure où le nombre d’apprentis est passé de 420 000 à 400 000 entre 2013 et 2015.

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Plus diplômés

L’étude du Céreq exploite les résultats d’une enquête réalisée en 2013 auprès de la Génération 2010 : les trajectoires de jeunes qui ont achevé leur formation initiale en apprentissage en 2010 ont été observées trois ans après, et comparées à celles de leurs homologues issus de la voie scolaire. On y apprend qu’un cinquième des 700 000 jeunes ayant achevé leur formation initiale en 2010 sont issus de l’apprentissage. Un chiffre en hausse sur la période étudiée, passé de 110 000 à 143 000 entre 2004 et 2010.

Chiffres de 2010 | Cereq

Ces apprentis sont aussi plus diplômés. Si le niveau CAP-BEP reste encore le plus fréquent (44 600 jeunes apprentis en 2010), les licences professionnelles se terminant par un contrat d’apprentissage ont vu leur nombre multiplié par trois entre 2004 et 2010 – soit un élève sur trois en 2010. Les élèves en écoles d’ingénieurs ou de commerce sont aussi 2,6 fois plus nombreux à avoir terminé leur formation par un contrat d’apprentissage – soit un élève sur cinq en 2010. Les auteurs notent que « cette évolution résulte d’un mouvement général d’allongement des études supérieures mais traduit également une rapide diffusion de l’apprentissage dans les parcours des étudiants ».

Mieux insérés et mieux payés

Malgré des chiffres d’insertion professionnelle très impactés par la crise économique, les apprentis sont toujours avantagés vis-à-vis de ceux issus de la voie scolaire. Ainsi, 26 % des anciens apprentis de niveau CAP sortis en 2010 étaient au chômage trois ans après, contre 11 % pour leurs prédécesseurs sortis en 2004. Mais les chiffres du chômage pour leurs homologues de la voie scolaire sont supérieurs : 35 % en 2010, et 21 % en 2004.

De même pour les bacheliers professionnels de 2010, les écarts de chômage après trois ans de vie active, entre ex-apprentis et ex-lycéens, sont de 13 points. Avec les sortants de l’enseignement supérieur, ces écarts sont de 6 points. « Par exemple, pour les diplômés d’un master professionnel réalisé par la voie scolaire, le taux de chômage est de 16 %, contre 10 % pour ceux issus de l’apprentissage », note le Céreq.

Concernant les salaires trois ans après l’entrée sur le marché du travail, les apprentis sont toujours majoritairement avantagés. Pour un niveau de diplôme donné, ils perçoivent des salaires plus élevés que les jeunes issus de la voie scolaire. Les auteurs de l’étude donnent à nouveau l’exemple du master professionnel, après lequel le salaire médian des apprentis est de 2 310 € contre 1 840 € pour les scolaires. Seule exception à cette règle : les diplômés des écoles d’ingénieurs pour lesquels l’apprentissage « ne semble apporter aucun avantage apparent », puisque les conditions d’insertion et de salaire sont équivalentes pour les deux voies.

Un essor de l’apprentissage « triplement interrogé »

Selon Alberto Lopez et Emmanuel Sulzer, l’usage dans les politiques publiques de l’apprentissage comme outil de lutte contre le chômage des jeunes « se trouve partiellement conforté, mais surtout triplement interrogé ». D’abord parce qu’il tend à se développer dans les niveaux de formation les moins exposés au risque de chômage, « ainsi que dans des filières offrant déjà des débouchés plutôt favorables ». Ensuite car l’apprentissage, s’il continue à réduire le risque de chômage en sortie de formation, « ne constitue pas pour autant un rempart contre la dégradation conjoncturelle du marché de l’emploi ».

Enfin, car l’entrée dans les formations en apprentissage est sélective. De ce fait, « certaines populations socialement défavorisées bénéficient peu des avantages procurés par cette voie de formation », termine le Céreq. De quoi alimenter la réflexion de tous ceux qui, après 2017, seraient tentés de fixer un nouvel objectif, seulement quantitatif, de développement de l’apprentissage en France.

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