« Une récente analyse de l’Organisation internationale du travail (OIT) a montré que 17% des travailleurs domestiques étaient des migrants » (Photo: travailleuses domestiques travaillant à la broderie à Hongkong le 12 juin, qui compte 300000 migrants dans ce secteur, essentiellement en provenance d’Indonésie et des Philippines). | ISAAC LAWRENCE / AFP

Par Guy Ryder, directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT)

Ils s’occupent de nos enfants, de nos aînés, des personnes handicapées et de nos maisons – mais faisons-nous le nécessaire pour nous occuper d’eux ?

Selon nos estimations, les travailleurs et travailleuses domestiques gagnent généralement moins de la moitié du salaire moyen – et parfois pas plus de 20 %. Leur durée de travail est parmi les plus longues et les moins prévisibles et 90 % ne disposent d’aucun accès à la protection sociale, qu’il s’agisse de pension de retraite ou d’allocation-chômage.

Au moins 80 % de l’ensemble des travailleurs domestiques sont des femmes, ce qui veut dire que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par ces déficits de travail décent. Le travail domestique représente aussi quelque 4 % de la main-d’œuvre féminine. En Amérique latine, par exemple, 14 % des femmes salariées sont des travailleuses domestiques.

Le phénomène comporte aussi une dimension internationale – une récente analyse de l’Organisation internationale du travail (OIT) a montré que 17 % des travailleurs domestiques étaient des migrants.

67 millions de travailleurs

En jeu, le bien-être de dizaines de millions de travailleurs domestiques et celui des familles pour lesquelles ils travaillent. De récentes estimations des Nations unies sur le vieillissement de la population confirment que la demande de main-d’œuvre domestique devrait augmenter : avec des populations vieillissantes, la réduction des politiques publiques en matière de soins, et un nombre grandissant de femmes arrivant sur le marché du travail à l’échelle mondiale, les familles se tournent de plus en plus vers les travailleurs domestiques pour s’occuper de leur maison, des leurs enfants et de leurs parents vieillissants.

Bien que souvent cachés, les travailleurs domestiques constituent une part importante de l’économie des soins, fournissant des soins à domicile à la fois dans l’économie formelle et informelle. Préoccupés par le coût et la complexité liés à l’emploi régulier, beaucoup l’évitent, ce qui se traduit par de hauts niveaux d’emploi informel et de travail clandestin.

Si ces problèmes ne sont pas nouveaux, je trouve encourageante la manière extrêmement positive dont les responsables politiques mondiaux se sont efforcés de relever le défi.

Il y a cinq ans, l’OIT a adopté la convention (n° 189) sur les travailleuses et les travailleurs domestiques, 2011 et la recommandation n° 201 qui l’accompagne. Il s’agissait des premières normes internationales sur le travail décent pour les travailleurs domestiques, destinées précisément à étendre les protections et droits fondamentaux aux 67 millions de travailleurs domestiques employés au domicile de particuliers dans le monde.

Reconnaissance mondiale

Le fait que la convention ait été adoptée à la quasi-unanimité par les Etats membres de l’OIT est le signe d’une reconnaissance mondiale qu’en dépit d’offrir des services inestimables aux familles et aux sociétés de l’économie des soins, les travailleurs domestiques subissaient de graves discriminations quant à leurs conditions de travail et leurs droits humains.

La réponse qui a suivi de la part des pays du monde entier a été très impressionnante, avec des réformes des politiques et des législations en cours partout dans le monde.

En 2010, l’OIT estimait que seuls 10 % des travailleurs domestiques étaient couverts par la législation du travail au même titre que les autres travailleurs. Depuis 2011, plus de soixante-dix pays ont pris des mesures pour garantir le travail décent aux travailleurs domestiques. Parmi eux, vingt-deux ont ratifié la convention, trente autres ont effectué des réformes politiques et législatives et au moins dix-huit autres se sont engagés à étendre la protection aux travailleurs domestiques.

L’OIT s’est allié aux mandants de soixante de ces pays, s’appuyant sur notre vaste expertise pour renforcer leurs capacités dans toute une gamme de domaines politiques.

« Objectifs de développement durable »

Si ces mesures représentent les premières étapes d’un long parcours visant à réparer une longue tradition d’exclusion, elles ne suffisent pas à relever le défi de la protection des travailleurs domestiques. Des rapports faisant état d’exploitation et de pratiques abusives fréquentes continuent d’affluer dans les médias. A bien des égards, les statistiques que j’ai citées au début parlent d’elles-mêmes.

En adoptant les « Objectifs de développement durable », les Nations unies se sont engagées à ne laisser personne de côté. En ce qui concerne le droit au travail décent pour les travailleurs domestiques, nous avons pris un bon départ. Mais nous ne devons pas relâcher nos efforts si nous voulons garantir de véritables progrès. Si nous voulons vraiment obtenir la réalisation des « Objectifs de développement durable » concernant la réduction de la pauvreté et des inégalités et le travail décent pour tous, en particulier pour les femmes, il est essentiel de pallier les carences dans le travail domestique.

Pour sa part, l’OIT continuera à travailler en partenariat avec les gouvernements, les travailleurs, les employeurs et la communauté internationale pour prolonger ce mouvement positif et s’assurer que, d’ici à 2030, le travail décent auquel tous les travailleurs domestiques ont droit devienne réalité.