Le premier ministre britannique David Cameron, le 21 juin. | LEON NEAL / AFP

Quelle que soit l’issue du référendum britannique du 23 juin, la leçon en est claire. Et elle n’est pas celle que prédisent la plupart des commentateurs : une prime au chantage en cas de « Remain », une contagion vers la sortie en cas de « Brexit ». Elle n’est pas non plus celle de la sempiternelle autoflagellation européenne : le vote « Leave » est à la fois spécifiquement britannique et relève d’une vague de fond populiste à l’œuvre dans l’ensemble du monde.

Non, la seule leçon qui vaille à tirer du lamentable feuilleton initié il y a trois ans par David Cameron s’adresse aux chefs d’Etat et de gouvernement européens : arrêtez de jouer avec le feu ! Cessez de sacrifier le projet européen, les États dont vous avez la charge, la posture géopolitique de l’Occident et l’économie mondiale sur l’autel de vos ambitions personnelles et de vos intérêts partisans ! C’est là tout le contraire de la dignité de la fonction politique.

J’entends déjà les cris d’orfraie des pseudo-démocrates antieuropéennes jubilant au chevet de l’Union : le dernier mot appartient au peuple, il n’existe pas de peuple européen, seuls les peuples des nations européennes ont voix au chapitre ! Mais la faillite des élites européennes - dirigeants nationaux au premier chef, mais bien au-delà -, est précisément d’avoir acheté cet argument simpliste, démagogique et intéressé argent comptant, en abdiquant leurs responsabilités.

La démocratie représentative n’a pas été inventée pour rien, elle demeure plus indispensable que jamais à l’ère d’Internet, ou toutes les opinions qui s’expriment ne se valent toujours pas, et où l’« opinion » auto entretenue est encore plus mauvaise conseillère que jadis. Qui osera prétendre que la majorité des citoyens britanniques qui s’apprêtent à voter contre l’immigration d'Europe de l'est - que Londres a du reste été le premier à encourager - ont la moindre idée des répercussions désastreuses d’un « Brexit » sur le Royaume-Uni, sur le projet européen, l’Alliance atlantique, et la stabilité du monde ? Quel leader européen aura le courage d’affirmer haut et fort qu’il est grand temps d’en finir - par une interdiction dans les traités - avec les référendums nationaux unilatéraux, opportunistes et démagogiques sur des questions mettant en jeu l’avenir de l’ensemble des Européens ? Jouer à pile ou face l’avenir du Royaume-Uni et de l’Union européenne n’a rien à voir avec la démocratie.

L’Europe a bien mieux et plus urgent à faire que de négocier pendant des années avec M. Cameron ou son probable successeur les suites du 23 juin. Ceux qui seront tentes de suivre sa stratégie irresponsable, et aujourd’hui pathétique, en seront pour leurs frais.

Assez d’énergie gaspillée, de prises de risques inutiles, de lâcheté inexcusable. Halte au suicide populiste !