Un pas en avant, deux pas de côté. Décidément, le discours de la Réserve fédérale (Fed) tient plus du tango que d’une trajectoire rectiligne. Lors d’un discours prononcé, lundi 6 juin, à Philadelphie, Janet Yellen, la présidente de la banque centrale américaine, a fait preuve de beaucoup moins d’optimisme sur l’imminence d’une hausse des taux que lors de sa dernière intervention le 27 avril.

Alors qu’il y a quelques jours encore, elle affirmait qu’un resserrement monétaire était probable « dans les prochains mois », cet horizon temporel a désormais disparu de son vocabulaire. La publication, vendredi 3 juin, de chiffres d’emploi beaucoup plus mauvais que prévu l’a visiblement amenée à une plus grande prudence.

Plutôt que de se prononcer sur un calendrier plus ou moins précis, Mme Yellen a préféré mettre l’accent sur les incertitudes qui pèsent sur la reprise américaine. Elle estime que celles-ci sont « considérables », ajoutant que « les progrès vers nos objectifs et, par conséquent, l’orientation appropriée de la politique monétaire dépendront de la façon dont ces incertitudes évoluent ». La présidente de la Fed, qui s’exprimait devant le World Affairs Council, a reconnu que « la politique monétaire que mes collègues et moi-même estimons la plus susceptible d’atteindre et de maintenir le plein-emploi et la stabilité des prix a évolué et continuera d’évoluer en fonction des développements qui modifient nos perspectives économiques et des risques associés à ces perspectives ».

Un chemin semé d’embûches

Mme Yellen est notamment revenue sur les 38 000 créations d’emplois enregistrées en mai, un chiffre en net repli par rapport à la moyenne observée en 2015 qui avait été de 219 000. Elle a qualifié ce rapport de « décevant » et « dans l’ensemble, inquiétant », tout en prévenant que ce serait une erreur de mettre l’accent sur une statistique mensuelle isolée. « Bien que l’économie ait été récemment affectée par une combinaison de forces contradictoires, je vois de bonnes raisons d’espérer que les forces positives qui soutiennent la croissance de l’emploi et une inflation plus forte vont continuer à compenser les forces négatives », a-t-elle déclaré.

Le chemin est toutefois semé d’embûches, notamment concernant la question de « l’élan et de la résilience » de la demande intérieure. « La faiblesse des performances en termes d’investissement est inquiétante et le rapport sur l’emploi de vendredi rappelle que cette question reste encore pertinente », a prévenu Mme Yellen. Sur l’emploi, la présidente de la Fed pense que le ralentissement est temporaire, tout en reconnaissant qu’il faudra d’autres données pour confirmer ce point de vue.

Le vote sur le « Brexit » en vue

Elle a également insisté sur ses inquiétudes concernant les questions internationales, citant le ralentissement de la croissance en Chine et le vote dans une quinzaine de jours sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, qui pourrait avoir « d’importantes répercussions » économiques.

Bref, il semble de plus en plus improbable que la Fed décide de relever ses taux directeurs lors de sa prochaine réunion des 14 et 15 juin. Après la hausse décidée en décembre 2015, la première en dix ans, le loyer de l’argent reste extrêmement bas, entre 0,25 % et 0,50 %. Sept ans après le début de la reprise, la banque centrale n’a toujours pas réussi à retrouver des marges de manœuvre dans le cas où la conjoncture se dégraderait à nouveau.

Lael Brainard, l’une des membres du Comité de politique monétaire, avait déjà prévenu vendredi, dans la foulée des chiffres de l’emploi, qu’il n’y avait aucune urgence à procéder à un resserrement monétaire dans ces circonstances. Même si Mme Yellen a répété lundi qu’une hausse graduelle reste « appropriée », l’incertitude sur le moment où elle interviendra demeure complète.