Deux robots Kuka remplissent un verre de bière lors de la foire de Hanovre, en Allemagne, en avril. | TOBIAS SCHWARZ / AFP

Les machines-outils ? En France, ces équipements traînent une sale odeur de graisse et de poussière, et le tenace souvenir d’un plan gouvernemental ayant viré au fiasco, il y a trente ans. Quant aux robots, les usines françaises en utilisent deux fois moins que les italiennes, cinq fois moins que les allemandes, et elles n’en fabriquent presque plus. S’il est un secteur stratégique, c’est pourtant bien celui-là. Pour preuve, la bataille qui s’engage pour le contrôle de Kuka, le roi des robots et des équipements industriels outre-Rhin. Mercredi 18 mai, le groupe chinois d’électroménager Midea a annoncé le lancement d’une offre publique d’achat (OPA) de 4,6 milliards d’euros sur ce grand fournisseur de Volkswagen et BMW. Une opération sinon hostile, du moins non sollicitée.

« Industrie 4.0 »

Fondée en 1898 à Augsbourg, Kuka est une de ces vieilles entreprises qui ont accompagné l’essor de l’Allemagne, avec son matériel d’éclairage, de soudage, ses camions poubelles, puis ses équipements industriels. A présent, elle mise tout sur les robots et l’automatisation des lignes de production. En ligne de mire, la quatrième révolution industrielle qui se profile grâce à l’utilisation massive du numérique dans les usines, la connexion des machines entre elles, et avec l’extérieur. Ce que les Allemands ont baptisé l’« industrie 4.0 ». Elle pourrait permettre d’améliorer la compétitivité des entreprises et créer 10 millions d’emplois en Europe, assurent les consultants de Roland Berger.

Kuka, un des principaux fabricants de robots industriels dans le monde, espère bien en être le champion. Le 24 avril, pour l’inauguration de la dernière Foire de Hanovre, sept de ses robots ont dansé avec des humains devant Barack Obama et Angela Merkel, médusés. En Bourse, les perspectives ouvertes par cette nouvelle ère séduisent aussi : avant même l’OPA, l’action Kuka avait bondi de 350 % en cinq ans !

Pareil mouvement n’a pas échappé aux Chinois. Bien décidée à monter en gamme, la Chine, « l’usine du monde », est déjà le pays qui achète le plus de robots. Elle entend en maîtriser la fabrication. Tel est le sens de l’offre de Midea, un groupe devenu un des grands producteurs mondiaux de lave-linge, climatiseurs... notamment en rachetant l’électroménager de Toshiba.

Ces derniers mois, Midea a ramassé des actions Kuka jusqu’à en devenir le deuxième actionnaire, avec 13,5 % des parts. Avec son OPA, il veut passer au premier rang. Le prix qu’il propose, 36 % de plus que ce que valait Kuka en Bourse mardi soir, est jugé « très attractif » par les analystes. A ce tarif, la plupart des actionnaires devraient vendre leurs titres. Le groupe industriel allemand Voith et le très riche homme d’affaires Friedhelm Loh, qui détiennent ensemble 35 % du capital, feront-ils de même ? De leur décision dépend le sort de Kuka. Joli face-à-face entre l’Allemagne et la Chine, les deux pays du monde qui misent le plus sur l’industrie.