En mai 2016, 90 % des coraux seraient touchés par un blanchissement dû au réchauffement climatique. | STR / AFP

Si la Grande Barrière de corail continue à subir des épisodes de blanchiment importants – phénomène de dépérissement des coraux –, l’Australie perdra chaque année 174 000 touristes étrangers et 1,19 milliard de dollars de recettes (soit environ 782 millions d’euros), en ne comptant que les trois premiers pays visiteurs, à savoir les Etats-Unis, la Chine et le Royaume-Uni. C’est ce qu’expose un rapport de l’Australian Institute, rendu public mardi 21 juin, qui mesure les potentiels impacts du blanchiment de la Grande Barrière de corail sur les activités du secteur touristique australien. Ces conclusions ont été tirées d’études scientifiques et économiques récentes, mais aussi d’une série de sondages réalisée par ce think thank auprès de touristes étrangers et australiens.

Cette enquête fait suite aux pires épisodes de blanchiment de la Grande Barrière survenus au début de l’année 2016. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, le plus grand récif corallien du monde, long de 2 600 kilomètres pour une superficie 344 400 km², serait menacé de disparition. Le 20 avril, une étude de trois grandes universités australiennes révélait que « 90 % des récifs étudiés présentaient des signes de blanchiment ». En cause, selon le Bureau de la météorologie, une élévation de 1 à 2,7 °C de la température de l’eau. Un phénomène directement lié au réchauffement climatique pour les scientifiques de l’université de Melbourne, sans lequel « un blanchiment aussi important aurait été pratiquement impossible ».

Première attraction touristique du pays

Selon les sondages de l’Australian Institute, les touristes internationaux mettent la Grande Barrière à la première place des attractions touristiques du pays, à égalité avec l’opéra de Sydney. Mais si le blanchiment des coraux continuait, un tiers des touristes américains, 55 % des chinois et 27 % des britanniques interrogés choisiraient une autre destination pour leurs vacances. Les zones touristiques de la Grande Barrière à elles seules pourraient perdre 1,1 million de visiteurs – australiens et internationaux – et 931 millions de dollars australiens (soit environ 617 millions d’euros).

Les recettes touristiques issues de la Grande Barrière de corail sont estimées à 2,1 milliards d’euros. | WILLIAM WEST / AFP

Les récifs coralliens font aussi partie des trois lieux australiens préférés des touristes français. Depuis 2012, l’agence de voyage Australie Autrement envoie chaque année environ 8 000 voyageurs de l’Hexagone. Pour la chef de produit Australie et Nouvelle Zélande de l’agence, Aurélia Devilliers, « l’état des coraux n’est pas un frein pour les Français, comme il peut l’être pour les touristes allemands par exemple ». Elle estime qu’« outre la Grande Barrière, l’Australie regorge de richesses qui attirent les voyageurs ».

L’industrie touristique s’inquiète néanmoins du sort de la Grande Barrière de corail. Sa partie septentrionale est la plus affectée – dans l’Etat du Queensland – et « les prestataires n’emmènent pas les touristes dans les endroits où les coraux sont morts », explique Mme Devilliers. Mais les excursions et plongées sous-marines sont pour l’industrie touristique une occasion de sensibiliser les touristes à la préservation du patrimoine. « Les prestataires ont une réelle volonté de conserver cet écosystème auquel ils sont attachés, poursuit-elle. Ils veulent aussi agir pour maintenir l’économie de leur secteur, qui dépend de la santé des coraux, surtout dans le Queensland. »

Des milliers d’emplois menacés

En 2015, l’organisme australien Tourism and Events Queensland (TEQ), estimait en effet à 3,3 milliards de dollars australiens (soit environ 2,1 milliards d’euros), les recettes touristiques du Queensland. Et en 2005, une étude d’Oxford Economics donnait aux récifs coralliens une valeur économique de 51,4 milliards de dollars australiens et évaluait l’impact du blanchiment à 37,7 milliards de dollars australiens.

Si les touristes se mettaient donc à bouder la Grande Barrière de corail, l’économie australienne serait directement atteinte. D’autant plus que, d’après le centre de recherche Tourism Research Australia, le tourisme est à l’origine de 130 900 emplois dans le Queensland (4,7 millions d’habitants), dont 39 000 sont directement liés à la barrière de corail. L’Australian Institute estime que, si rien ne change, les zones touristiques autour de la Grande Barrière de corail « pourraient perdre environ 10 000 emplois dans le tourisme ».

De 39 000 à 45 000 emplois australiens sont liés à l’exploitation touristique de la Grande Barrière de corail. | STR / AFP

Pour inverser la tendance, la solution se trouve, selon le think thank, dans la politique énergétique du pays. En 2014, le Queensland a exporté 207 millions de tonnes de charbon (Queensland Government), et si cet Etat était un pays, il serait le huitième plus gros producteur mondial. En témoigne la construction, en 2012, de la gigantesque mine de Gladstone – sur la côte nord-est – à environ 80 km de la Grande Barrière de corail.

En conclusion de son rapport, l’Australian Institute souligne que « l’industrie du charbon menace le secteur du tourisme ». C’est aussi ce que pensent 74 % des sondés internationaux de cette enquête, pour qui « l’Australie devrait sortir du charbon et le remplacer par des énergies propres afin de protéger la Grande Barrière ». Et la majorité des Australiens interrogés estiment que « la Grande Barrière est plus importante que le charbon pour l’économie de l’Etat du Queensland, et [qu’il] présente un plus fort potentiel de création d’emplois ».

A quelques jours d’élections fédérales, le 2 juillet, qui ont pour objet de renouveler les 150 sièges de la Chambre des représentants et les 76 sièges du Sénat, la Grande Barrière de corail constitue donc un enjeu politique. En mai, le gouvernement l’avait fait disparaître d’un rapport de l’Unesco faisant état des menaces du réchauffement climatique sur son patrimoine mondial.