• C’EST FINI :

« Je préfère la folie des passions à la sagesse de l’indifférence », a déclaré, en larmes, Xavier Dolan dimanche 22 mai, lors de la cérémonie de clôture du festival, en citant Anatole France. Or c’est bien la trop grande sagesse jury, indifférent aux films les plus passionnants de la compétition, que déplore Isabelle Regnier dans son analyse du palmarès de la 69e édition : « C’est un théorème cannois : les mauvaises sélections font les plus beaux palmarès, et inversement. Cette année n’a pas fait pas exception, qui a vu le jury ignorer la quasi-intégralité des œuvres qui nous ont transportés, pour en primer d’autres qui, si elles ne sont pas forcément indignes, ne reflètent en rien la force d’une compétition qui n’a pas plané si haut depuis longtemps. A l’exception de Juste la fin du monde, de Xavier Dolan, grand film qui a divisé beaucoup la critique, mais qui nous a, au Monde, follement enthousiasmés, et qui repart avec le Grand Prix du jury (autrement dit le deuxième prix), le reste du palmarès, à commencer par la Palme d’or, attribuée à Ken Loach pour Moi, Daniel Blake, a un aspect bien terne. Et surtout injuste. » Et d’ajouter : « Dans les meilleurs cas, le palmarès a souligné les mérites des films et des personnes qu’il a récompensés. L’actrice philippine Jaclyn Jose, par exemple, est formidable dans Ma’ Rosa, mais il s’agit malheureusement du film le plus faible de son auteur, Brillante Mendoza. »

Quoi qu’il en soit, en couronnant Ken Loach pour Moi, Daniel Blake, le jury, présidé par le cinéaste australien George Miller, a permis au Britannique, déjà lauréat d’une Palme d’or pour Le vent se lève en 2006, de rejoindre le cercle restreint des réalisateurs doublement palmés : le Suédois Alf Sjöberg pour L’Epreuve (Grand Prix, ancienne Palme d’or, 1946, ex aequo avec dix autres films) et Mademoiselle Julie (1951, ex aequo) ; l’Américain Francis Ford Coppola pour Conversation secrète (1974) et Apocalypse now (1979, ex aequo) ; le Japonais Shohei Imamura pour La Ballade de Narayama (1983) et L’Anguille (1997, ex aequo) ; le Serbe Emir Kusturica pour Papa est en voyage d’affaires (1985) et Underground (1995) ; le Danois Bille August pour Pelle le conquérant (1988) et Les Meilleures Intentions (1992) ; l’Autrichien Michael Haneke pour Le Ruban blanc (2009) et Amour (2012) ; les frères belges Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Rosetta (1999) et L’Enfant (2005).

  • C’EST CRITIQUÉ :

Projeté samedi 21 mai, lors du dernier jour de la compétition cannoise, le film iranien d’Asghar Farhadi, Le Client (Forushande), a été doublement récompensé par le prix du scénario et le prix d’interprétation masculine pour l’acteur Shahab Hosseini. Dans sa critique, rédigée avant le palmarès, Thomas Sotinel se montre moins client que les jurés : « Si le personnage féminin se fait plus complexe au fil des incidents qui émaillent le film, celui d’Emad au contraire s’enferme dans une simplicité vengeresse qui finit par le ravaler au rang de rouage. Car c’est bien d’une mécanique qu’il s’agit. Celles d’A propos d’Elly ou d’Une séparation étaient tout aussi complexes, mais mieux dissimulées. L’engrenage du Client finit par réduire l’humanité de ses personnages à la simple expression de leur position face à un choix moral. »

  • C’EST DIT :

« Nous sommes la Nouvelle Vague », déclare Oulaya Amamra, l’une des actrices du premier long-métrage d’Houda Benyamina, Divines, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, qui a reçu la Caméra d’or, récompensant un premier film, toutes sections confondues. Lors d’une rencontre avec Laurent Carpentier, en compagnie de l’autre actrice du film, Deborah Lukumuena, elle revient sur son personnage, Dounia : « Ce sentiment d’injustice que Dounia porte en elle, je l’ai en moi. Houda a écrit Divines après les émeutes de 2005, comme une réponse à l’injustice, et si on a mis tout notre bide à faire ce film, c’est parce qu’on est bien décidé à changer les choses. » A commencer par « les fantasmes sur la banlieue que le cinéma véhicule ». Et elle ajoute : « Dounia, c’est “la vie d’ici-bas”. On a été si longtemps au bord de la société, aujourd’hui ce qu’on nous donne, on le prend. » Deborah Lukumuena explique, pour sa part : « Divines n’est ni un film sur les banlieues, ni un film féministe. Considérer comme étonnant le fait que la caïd soit une femme, c’est ça qui est justement étonnant. Non, c’est un film sur la vie, sur des humains qui se posent des questions sans cesse, des humains qui ont un but, quelquefois l’atteignent, quelquefois le ratent, quelquefois se trompent même de but. »

« L’idée de se fixer pour objectif quelques douzaines de salles est incompréhensible. Le monde du film indépendant a souffert de s’être développé sur une trop petite échelle. » Telle est la déclaration faite, en plein Festival de Cannes, par Ted Sarandos, le responsable des contenus chez Netflix, rapportée par Thomas Sotinel dans son analyse sur le pouvoir des projections en salles à l’heure de l’essor des plateformes de streaming. Répondant au site Deadline Hollywood – publication associée à Variety, donc proche de l’industrie hollywoodienne –, le dirigeant de Netflix a détaillé les raisons pour lesquelles il pense que le cinéma du futur se consommera individuellement. Pour lui, seule la diffusion auprès des 81 millions d’abonnés de sa plateforme peut donner un écho planétaire à un long-métrage (ou à une série) : « Echanger ce moment unique et chaleureux dans une salle contre l’accueil mondial de votre film me semble valoir la peine », poursuit Ted Sarandos.

  • C’EST CHRONIQUÉ :

« On est dimanche, jour du palmarès. Et, en fait, c’est l’enfer. Bientôt midi. Un peu plus sans doute. Le grand jeu vient de commencer. Jusqu’à 14 heures au plus tard, selon les délibérations du jury, sept équipes de films vont commencer à recevoir un message de Thierry Frémaux, délégué général du Festival, les invitant à se rapatrier d’urgence sur la Croisette pour la cérémonie de clôture. » Pour le dernier épisode de sa chronique cannoise Red Carpet, Florence Aubenas raconte l’étrange atmosphère qui régnait sur la Croisette, quelques heures avant la cérémonie de clôture, entre retours au galop, bouffées de parano et bal de textos. « A 13 h 12, texte sobre sur le portable d’un producteur : “Dis-leur de revenir, le film a quelque chose.” En langage codé de Palme d’or, ça signifie qu’un prix lui est attribué. Aucun indice ne laisse jamais supposer lequel. A 13 h 14, un metteur en scène manque s’évanouir. Un message clignote sur son téléphone. Ça y est. Il se voit sur scène. Il entend les applaudissements. La tragédie s’affiche en trois mots, signés de son distributeur. “Les autres reviennent.” Une équipe rivale a fait fuiter triomphalement son retour au Festival. Pour lui, en revanche, toujours rien. »

  • C’EST VU :
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  • C’EST À REVOIR :

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