Michel Sapin le 1er juin à l’Elysée. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Lutte contre la corruption, lanceurs d’alerte, salaires des grands patrons… Le projet de loi Sapin II, – en référence à un premier texte de loi anticorruption porté en 1993 par le ministre des finances – sera débattu en séance à partir de lundi 6 juin à l’Assemblée nationale. Il propose une série de mesures notamment destinées à améliorer la transparence de la vie économique et à la moderniser.

Près de 1 500 amendements ont été déposés sur ce texte de 57 articles, globalement bien accueilli par les groupes de gauche mais qui divise à droite. Avec ce projet de loi, la France entend se mettre aux standards de la lutte anticorruption, notamment dans les opérations commerciales transnationales. En 2014, l’OCDE n’avait pas trouvé à la hauteur l’arsenal de lutte contre la corruption d’agents publics étrangers issu notamment de la loi Sapin I, et épinglé le peu d’allant pour poursuivre les entreprises nationales s’en rendant coupables.

  • Création d'une agence anticorruption

Ainsi, est prévue la création d’un service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption, baptisé Agence française anticorruption. Elle sera chargée de contrôler la mise en place de programmes anticorruption dans les entreprises de plus de 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros. En cas de manquement, ces dernières risqueront une amende pouvant aller jusqu’à un million d’euros. Les députés ont par ailleurs instauré une peine complémentaire d’inéligibilité obligatoire pour les personnes exerçant une fonction publique en cas de condamnation pénale pour corruption.

Pour faciliter la poursuite d’entreprises mises en cause dans des affaires de corruption transnationale, la loi va créer une nouvelle infraction (« trafic d’influence d’agent public étranger ») et mettre fin au monopole du parquet pour ce type d’affaires, qui pourront être instruites via une constitution de partie civile. Les députés ont adopté en commission un dispositif « alternatif » à la « transaction pénale », une mesure controversée, venue de la pratique américaine, permettant aux entreprises soupçonnées de corruption de payer une amende et d’éviter un procès.

  • Meilleure protection pour les lanceurs d’alerte

Le texte prévoit aussi de donner des garanties aux lanceurs d’alerte, qui dénoncent des faits jugés répréhensibles au sein de leur secteur ou de leur entreprise. Ces derniers bénéficieront à l’avenir d’une meilleure protection par l’Etat. L’alerte pourra être donnée au sein de l’entreprise ou de l’administration concernée, ou auprès d’interlocuteurs externes (justice, Défenseur des droits, ordres professionnels, associations), voire être rendue publique en l’absence de réaction ou en cas d’urgence. L’affaire des Panama Papers ou celle des Luxleaks ont mis en lumière récemment le rôle crucial des lanceurs d’alerte, mais aussi les risques professionnels et personnels encourus.

  • Rémunérations des dirigeants

Du côté des entreprises, les assemblées générales d’actionnaires devront désormais donner leur feu vert aux rémunérations des dirigeants. Le gouvernement a en effet décidé de légiférer sur ce sujet, notamment après les polémiques concernant les salaires de Carlos Ghosn (Renault) ou Carlos Tavares (PSA). Par ailleurs, afin d’améliorer le respect par les entreprises des délais de paiement, la loi prévoit d’augmenter le plafond de la sanction financière en cas de retard, qui passera de 375 000 euros à deux millions d’euros. Les amendes seront cumulatives et systématiquement rendues publiques.

  • Le lobbying plus encadré

Le texte s’intéresse aussi au monde des lobbyistes. Un répertoire national des « représentants d’intérêt », consultable sur Internet, va être créé. Ces représentants d’intérêt (les lobbyistes professionnels mais aussi les chambres de commerce, les organisations patronales, certains établissements publics, les associations cultuelles, etc.) devront s’enregistrer s’ils veulent rencontrer des ministres (et leur cabinet), des parlementaires (et leurs collaborateurs), des hauts fonctionnaires, des élus locaux ou certains fonctionnaires territoriaux. Ils auront l’obligation de fournir des informations détaillées sur leurs activités et de divulguer le nom de leurs clients.

  • Polémique sur l’artisanat

Le texte va en outre assouplir les règles d’entrée dans certains métiers. Ces mesures prévoient de réduire le nombre d’activités soumises à l’obligation de qualification, afin de les ramener à celles présentant des « risques pour la santé et la sécurité des consommateurs ». Ce point fait craindre à l’artisanat « nivellement par le bas » et « concurrence déloyale ».

Il n’est pas sûr cependant que cet article du projet de loi sorte indemne de l’hémicycle. L’Union professionnelle artisanale (UPA) en a effet trouvé aussi du soutien à gauche où l’ex-ministre de l’Artisanat Sylvia Pinel (radicale de gauche) a l’intention de demander sa suppression.