Forces de l’ordre sur la place de la République le 18 mai. | GONZALO FUENTES / REUTERS

Les policiers ont manifesté, mercredi 18 mai, pour dénoncer la « haine antiflic » et demander plus de « fermeté » face aux « casseurs » – une première après deux mois d’affrontements parfois violents lors des manifestations contre le projet de loi travail.

Leur puissant syndicat Alliance, rejoint par d’autres organisations, a convié les policiers, hors service et en civil, à des rassemblements statiques dans une soixantaine de villes. Le plus important s’est tenu sous haute protection sur la très symbolique place de la République à Paris, où se réunit chaque soir depuis fin mars le mouvement citoyen Nuit debout.

Le rassemblement des policiers a lieu dans une certaine désunion, car Unité police SGP-FO, second syndicat de gardiens de la paix, a été empêché de manifester place de la République par la préfecture de police, qui a évoqué des désaccords et « les risques de tension entre les participants ». En conséquence, Alternative CFDT a décidé de ne pas y participer officiellement, jugeant que le 18 mai devait être « un rassemblement général qui appartient à tous les policiers ».

Avec plus de 350 membres des forces de l’ordre blessés depuis le début des manifestations – dont 11 mardi, selon le ministère de l’intérieur – les syndicats voulaient défendre leurs collègues pris à partie lors de la mobilisation contre le projet de loi El Khomri. Des slogans tels que « Tout le monde déteste la police » sont de plus en plus entendus dans les manifestations. Le directeur général de la police nationale, Jean-Marc Falcone, a évoqué sur Europe 1 des fonctionnaires « un peu exaspérés », « soumis à une grosse pression » depuis les attentats de 2015, qui « se font agresser verbalement et physiquement ».

Les forces de l’ordre ont notamment été mises en cause après qu’un jeune homme a perdu l’usage d’un œil, fin avril à Rennes, et une trentaine d’enquêtes de la « police des polices » (IGPN) ont été ouvertes.

Applaudie au lendemain des attentats de janvier 2015, la police jouit pourtant toujours d’une « image exceptionnelle », avec 82 % des Français qui en ont une bonne opinion, selon un sondage Odoxa pour Le Parisien.

Soutien de Hollande et Valls, récupérations politiques

François Hollande a introduit, mercredi, le conseil des ministres en apportant « un message clair de soutien à l’ensemble des forces de police dans un contexte difficile », soulignant que « l’équilibre doit être parfaitement préservé entre le maintien de l’ordre et le respect de notre droit », selon le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll.

Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a-t-il précisé, « est revenu aussi sur le fait qu’il y a eu 1 300 arrestations depuis le début des manifestations ». Le premier ministre, Manuel Valls, a lui aussi soutenu les policiers sur Twitter :

Alors que les responsables syndicaux policiers voulaient éviter toute « récupération politique » des rassemblements, plusieurs hommes politiques ont rendu visite aux policiers place de la République :

  • Les députés FN Marion Maréchal-Le Pen et apparenté FN Gilbert Collard.
  • Le député Les Républicains Eric Ciotti et le vice-président LR du conseil régional d’Ile-de-France Geoffroy Didier.
  • Le député de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan.
  • En revanche, le conseiller régional du Parti de gauche Eric Coquerel dit ne pas avoir pu accéder à la place.

L’ex-premier ministre François Fillon a de son côté dit son « soutien » aux forces de l’ordre caillassées par « des petits barbares cagoulés » alors que « les terroristes rodent ».

Manifestation interdite, voiture de police incendiée

Signe des tensions actuelles, des groupes qui dénoncent les violences policières appelaient aussi à manifester sur la place de la République, juste avant le rassemblement des syndicats de police. Mais la préfecture de police a interdit cette contre-manifestation, organisée par le collectif « Urgence, notre police assassine » (UNPA), du fait selon elle de « risques importants de troubles graves à l’ordre public ».

Amal Bentounsi, la fondatrice du collectif, a réagi :

« Hier soir, sur les dalles de la place de la République, on a écrit le nom des 300 morts tués par la police. Notre rassemblement se voulait pacifique, on est là pour dire aux policiers notre vérité, qu’il y a une impunité, qu’on veut que l’institution policière se remette en question. »

La place de la République a été évacuée dans la matinée, et plusieurs barrages filtrants ont été mis en place autour du périmètre. Quelque 150 personnes, selon la préfecture de police (environ 300 selon le décompte de l’Agence France-Presse), ont toutefois manifesté malgré l’interdiction, criant « Flics, porcs, assassins », « On n’oublie pas, on pardonne pas », « Police partout, justice nulle part », ou encore « Tout le monde déteste la police ».

Certains ont été repoussés de la place avec des gaz lacrymogènes. Non loin de là, quai de Valmy, une voiture de police a été incendiée par des manifestants et deux policiers en sont sortis à la hâte.