Le premier sommet humanitaire mondial se déroule du 23 au 24 mai à Istanbul, avec pour ambition d’améliorer la réponse aux crises humanitaires. Présent à ce rassemblement, Samuel Doe, conseiller à l’ONU pour les crises, répond aux critiques émanant d’une partie des ONG qui redoutent des discussions stériles teintées de bonnes intentions.

Que pensez-vous de la décision de certaines ONG comme Médecins sans frontières qui ont refusé de participer à ce sommet ?

C’est regrettable. Le rôle de grandes ONG comme Médecins sans frontières est aussi de participer au dialogue. Ce sont des acteurs de terrain, leur voix est importante et ils ne peuvent pas se dispenser du débat. Aujourd’hui, il y a d’importants réglages à effectuer entre les différents acteurs de l’humanitaire. Les ONG, les politiques et les acteurs du développement ne coopèrent pas assez. Ce sommet est l’occasion de réunir tout le monde.

En décembre 2015, le groupe des experts indépendants de l’ONU publiait un rapport intitulé « Trop important pour échouer », dans lequel il alerte sur les difficultés de l’action humanitaire à gérer la question du financement et les rivalités sur le terrain entre les différents acteurs. L’action humanitaire doit-elle se réinventer ?

L’action humanitaire est trop stéréotypée. Une crise au Congo ne peut être gérée avec la même approche qu’au Liberia par exemple. Si les rivalités sur le terrain existent, c’est en partie parce que les acteurs ne savent pas s’adapter au contexte du pays dans lequel ils interviennent. Le dispositif actuel de l’ONU n’est plus adapté à l’étendue des crises auxquelles nous faisons face. Il faut arrêter de penser l’action humanitaire comme un remède ponctuel et travailler sur le long terme avec les pays touchés.

L’impact de l’émergence économique du continent africain sur ces crises humanitaires a-t-il été positif ?

Les progrès économiques du continent permettent de responsabiliser les gouvernements. Certains ont investi dans les systèmes de protection sociale par exemple, même si les résultats ne sont pas encore là, ou dans les mécanismes de gestion des risques. Mais ces progrès ne doivent pas éluder le fait que cette croissance n’est pas inclusive, elle laisse beaucoup de gens sur le carreau. Le défi des politiques africains sera de ne pas priver les franges les plus fragiles de la population des retombées de cette croissance. Un pays comme le Rwanda, dont il est inutile de rappeler le passé, est en bonne voie, mais la route est encore longue.

Quel sera, selon vous, le plus grand défi humanitaire en Afrique pour la décennie à venir ?

Le climat, sans hésitation. Simplement parce que le réchauffement climatique est une poudrière. Dans les années à venir il faudra gérer de plus en plus de déplacements de populations dans des régions déjà fragilisées par le terrorisme. Les problèmes nationaux deviendront des échéances régionales et le continent africain devra apprendre à apporter des réponses collectives. La collaboration est encore en chantier aujourd’hui. Le fait que le Kenya annonce vouloir fermer ses camps de réfugiés en se contentant d’exhorter la communauté internationale à prendre ses responsabilités l’illustre. Il faut que la réflexion sur ces questions soit collective.