Une juge française a pu rapporter d’Algérie des prélèvements des têtes des moines de Tibéhirine, des éléments susceptibles de faire avancer l’enquête sur leur enlèvement et leur assassinat en 1996, ont annoncé vendredi 10 juin une source judiciaire et l’avocat de familles.

Ces prélèvements avaient été effectués à l’automne 2014 lors d’une exhumation des crânes des religieux, enterrés à Tibéhirine, mais les juges et les experts français qui y avaient assisté n’avaient pu les rapporter en France. Des proches des moines avaient alors dénoncé une « confiscation des preuves » par Alger, alors que l’enquête française tente de lever les zones d’ombre sur le crime.

Après un voyage en Algérie cette semaine, la juge d’instruction Nathalie Poux a pu rapporter « les scellés dont les experts avaient besoin pour mener leur mission », a expliqué la source judiciaire, confirmant une information de RMC. Les prélèvements peuvent éclairer l’enquête sur les circonstances de l’exécution des moines et la date de leur mort.

De leur côté, les juges français ont remis à leurs homologues algériens des prélèvements génétiques des familles des moines pour les besoins de l’enquête menée en Algérie.

« Une avancée importante »

Les sept moines de l’ordre cistercien de la stricte observance avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère de Notre-Dame de l’Atlas, sur les hauteurs de Médéa. Leur assassinat avait été revendiqué environ deux mois plus tard par un communiqué du Groupe islamique algérien (GIA). Seules les têtes avaient été retrouvées sur une route.

Des doutes sont apparus sur la version officielle d’un crime islamiste perpétré en pleine guerre civile et sur une implication possible des services secrets militaires algériens.

L’avocat des familles des religieux, Patrick Baudouin, a salué cette avancée.

« C’est une avancée importante, que nous attendons depuis un an et demi et qui lève l’un des obstacles à la recherche de la vérité et de la justice. »

Selon l’avocat, « il faut rester prudent, mais les experts pensent que la conservation des prélèvements a été correcte et que les échantillons sont exploitables ».

Les experts français avaient rendu de premières conclusions de leurs constatations en Algérie. Ils estimaient notamment que l’« hypothèse d’un décès entre le 25 et le 27 avril 1996 », soit plus de trois semaines avant la date annoncée dans la revendication du GIA, apparaissait « vraisemblable », ce qui entretenait les doutes sur la version officielle.