A L’Appartement Sézane, on achète grâce aux tablettes présentes dans le magasin…Mais on repart les mains vides, sauf pour les produits de la section “Take away”. | Sézane

Des vêtements alignés sur des portants, des vendeuses à l’écoute, des cabines d’essayage… L’Appartement Sézane a tout d’une boutique, à une différence près : les clients en ressortent sans leurs achats. Couronnée de succès depuis son lancement en 2013 sur Internet (100 000 clientes, jusqu’à 20 000 commandes par mois), la marque de prêt-à-porter féminin a ouvert son premier magasin en octobre, à Paris. L’ensemble de la collection y est disponible dans toutes les tailles, mais uniquement à l’essayage. La vente se fait avec l’application ou les tablettes disséminées sur les murs et les consoles. Seule la section « Take away », inaugurée mi-avril, propose une sélection de produits d’autres marques immédiatement accessibles.

Le plaisir de voir et de toucher

« L’Appartement, c’est une façon de communiquer avec nos clientes, explique Morgane Sézalory, la fondatrice. Il y a des services qu’on ne peut pas offrir en ligne, comme le conseil, par exemple. » Ces derniers mois, plusieurs pure players (ainsi appelle-t-on ces marques qui sont nées sur Internet) se sont lancés dans le dur. La Redoute Intérieurs et Made in Design pour la décoration, le concept-store pour enfant Smallable, le lunetier Sensee, la marque de prêt-à-porter Maison Standards… Chaque enseigne possède son mode de fonctionnement – stock disponible en magasin, commande grâce aux ordinateurs en libre accès et/ou retrait des achats effectués sur Internet.

« Dans le cas du prêt-à-porter, la visite est surtout motivée par l’envie de découvrir l’univers de la marque, analyse Cédric Ducrocq, PDG du cabinet de conseil stratégique Dia-Mart. Mais lorsqu’ils achètent des produits d’un certain prix, comme des meubles ou du high-tech, les clients ont besoin de voir et de toucher avant de se décider. » C’est l’autre vertu de la vraie boutique : accroître la confiance entre la marque et ses clients. « J’habite à Marseille, il y a donc peu de chances que je me rende dans la boutique, mais savoir qu’elle existe me rassure, confie Diane, 35 ans, cliente de Sézane. Si je rencontre un problème avec une commande, je sais qu’il existe un endroit physique vers lequel me tourner. »

Entre le réel et le virtuel

Au lieu de signer la mort de la boutique en dur, l’e-commerce serait en train de la réinventer. « Les marques cherchent de nouveaux modèles, assure Cédric Ducrocq. Aussi regardent-elles attentivement ces espaces hybrides mi-réels, mi-virtuels, imaginés par les pure players. » A terme, l’idée serait, pour chacune, de ne gérer qu’un stock commun aux différents modes de distribution (Internet, boutique).

Un défi que tente de relever L’Exception, un concept-store lancé sur Internet qui a ouvert sa première boutique début avril au nouveau Forum des Halles, à Paris. Inspirée par les Apple Stores et leurs vendeurs munis d’iPhone multitâches, l’équipe a installé des tablettes et des ordinateurs dans les rayons, afin que les clients puissent se renseigner sur la disponibilité d’un produit en magasin. Même chose dans les cabines d’essayage – plus besoin de héler une vendeuse ou de se rhabiller pour aller chercher une taille, quelques clics suffisent pour demander le vêtement désiré. Bilan : en un mois, la boutique a vu son chiffre d’affaires augmenter de 30 %.

La marque de prêt-à-porter Maison Standards. | Maison Standards

« Les ventes sont particulièrement bonnes le week-end, moment où la fréquentation du site baisse, car les gens ont l’envie et le temps de se déplacer pour faire du shopping », précise le fondateur de L’Exception, Régis Pennel. Pour lui, le succès de ces nouvelles enseignes dépend du volume de l’offre : « Contrairement à un concept-store, un pure player qui dispose d’une large sélection a moins intérêt à ouvrir une boutique, car il ne réussira pas à présenter son vaste choix en un seul lieu. » Ainsi, Menlook, l’un des leaders du commerce en ligne pour les hommes (1 000 marques, 50 000 produits), a fermé fin 2015 ses quatre boutiques de Paris et Lyon. Morgane Sézalory, elle, n’a pas l’intention d’ouvrir d’autres Appartement en France. « Quand l’espace parisien peut accueillir jusqu’à 6 000 clients par mois, le site en reçoit 500 000… », remarque-t-elle. In fine, pour ces e-shops à l’univers déjà incarné sur le Web, l’espace physique reste accessoire. Mais, au même titre qu’un sac ou des chaussures, c’est un accessoire qui a son utilité.

Le concept-store pour enfant Smallable. | Smallable

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