Créée en janvier 2008 sous la forme d’une filiale à 100 % d’EDF, ERDF change de nom et de marque. Les dirigeants d’Electricité réseau distribution France devaient annoncer mardi 31 mai, au Salon des maires et des collectivités locales organisé porte de Versailles à Paris, qu’il s’appellera désormais Enedis tout en gardant la signature choisie il y a un an, « L’électricité en réseau ». Ce nom et cette nouvelle identité visuelle seront déployés sur les 1 000 sites, 25 000 véhicules et 500 000 vêtements et accessoires des 38 000 salariés de l’entreprise. Et largement popularisés en juillet sur le Tour de France cycliste : ERDF en devient un partenaire officiel et son logo apparaîtra sur le dossard des coureurs.

La fédération mines-énergie de la CGT l’a prise de court en révélant son nouveau nom, lundi en fin de matinée. L’opération va « coûter la bagatelle de 300 millions d’euros, alors que quelques mois auparavant, l’entreprise avait déjà dépensé dans les 30 millions pour changer le logo », souligne-t-elle. Un coût fermement démenti par la direction, qui a prévu une enveloppe de 25-30 millions d’euros sur dix-huit à vingt-quatre mois (avis d’experts, campagnes de communication, resiglage des équipements ERDF…), ERDF réalisant par ailleurs un chiffre d’affaires de 14 milliards d’euros. « C’est deux à trois fois moins cher que les grandes marques commerciales », indique un dirigeant, les 300 millions d’euros évoqués étant « le capital de la marque ».

En fait, le nom Enedis avait été déposé dès 2008 par ERDF à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) sans qu’il en fasse usage. Les dirigeants assurent que cela ne les a pas empêchés de faire un travail de recherche sur d’autres noms possibles, même si c’est l’ancien qui a finalement été retenu.

« Garantir une certaine continuité »

ERDF a longtemps fait de la résistance pour conserver son nom : il s’était peu à peu imposé auprès des clients et des collectivités locales qui lui concèdent la gestion des 1,4 million de kilomètres de lignes à moyenne et basse tension, le plus vaste réseau d’Europe. En 2015, Philippe Monloubou, président du directoire, jugeait qu’un changement de logo avec un nouveau graphisme et la disparition de la turbine stylisée utilisée par EDF suffirait à répondre aux exigences du régulateur de l’énergie. ERDF l’avait donc modifié, mais en conservant son nom.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a jugé ces changements insuffisants. Estimant que le maintien du nom entretenait la confusion avec EDF, elle a mis en demeure ERDF d’en changer afin de mieux distinguer le distributeur ERDF, en quasi-monopole avec une mission de service public, des fournisseurs d’électricité (EDF, Engie, Direct Energie…), en concurrence depuis la libération des prix de l’électricité en juillet 2007. Et surtout du premier d’entre eux, EDF.

En janvier, M. Monloubou avait donc annoncé une transformation plus radicale, qui a abouti au choix d’Enedis. « Au départ, nous nous sommes donné un cahier des charges définissant ce qu’on voulait et ce qu’on ne voulait pas, explique-t-il. Nous avons ainsi rejeté des noms en rupture avec le passé d’ERDF pour garantir une certaine continuité et notre socle de valeur, alors que l’entreprise a su s’adapter chaque jour à son nouvel environnement. »

Acquérir une notoriété à un moment délicat

Ce changement de marque est, selon lui, « moins un risque qu’une chance » car il intervient à un moment où le secteur de l’électricité se transforme profondément. « 2015 a été l’année d’un bouleversement sans précédent avec le vote de la loi de transition énergétique, la réorganisation territoriale et les nouvelles régions administratives, le succès de la conférence de Paris sur le climat, poursuit-il. Les réponses aux questions climatiques sont entre les mains de la société civile. C’est aux acteurs des territoires de réaliser la transition énergétique. Et quel opérateur y est plus présent que le distributeur d’électricité ? »

ERDF devra assurer le raccordement à son réseau des éoliennes ou des parcs solaires, aider les collectivités locales à développer leurs projets énergétiques, participer au déploiement des 7 millions de points de chargement de véhicules électriques d’ici à 2030 tous raccordés au réseau de distribution… La marque Enedis devra acquérir une notoriété à un moment délicat : dans le cadre du déploiement des 35 millions de compteurs communicants Linky, qui remplaceront les vieux boîtiers d’ici à 2021 pour un investissement de 5 milliards d’euros, les salariés d’Enedis et des sous-traitants vont frapper chez les consommateurs. Et ici ou là, des consommateurs rechignent ou refusent d’ouvrir leur porte.