Nicolas Lapierre au volant de l’Alpine n°36, le 18 juin sur le circuit Bugatti du Mans. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Lorsque nous pénétrons dans les stands de Signatech-Alpine, cela fait quasiment six heures que les 60 voitures engagées pour la 84e édition des 24 Heures du Mans se sont élancées, samedi 18 juin, sur le circuit du Mans. Soixante bolides… bridés. L’état de la piste, détrempée, au moment du départ donné par l’acteur américain Brad Pitt, imposant la présence de la Safety car, la voiture de sécurité qui neutralise la course à vitesse réduite, jusqu’à 15 h 52.

« On aurait pu les lâcher un quart d’heure plus tôt », maugrée un des membres de l’équipe Alpine. L’écurie sino-française est pourtant aux anges. Tout se passe pour le mieux à ce moment de la course. Sur les deux monoplaces engagées, la n° 36 est deuxième dans sa cétégorie de LMP2 et 16e au général. Explication, pour les non-initiés, les 24 Heures du Mans ont comme spécificité outre d’être la course la plus mythique et la plus longue du championnat du monde d’endurance, celle d’aligner sur la même grille de départ quatre types de véhicules, soit cette année : 9 LMP1, la catégorie reine des prototypes, 23 LMP2 (Le Mans Prototype 2), 14 Le Mans Grand Tourisme (LMGT) pro et 13 LMGT amateurs, ce qui permet à des amateurs éclairés de côtoyer des pilotes professionnels, dont certains passés par la Formule 1 ou la Formule 3. Une mixité inégalée à laquelle s’ajoute la voiture du stand 54, qui ne concourt pas au classement mais contribue à la recherche technologique. C’est dans cette catégorie que concourt cette année Frédéric Sausset, amputé des quatre membres, au volant d’une Morgane totalement repensée pour s’adapter à son handicap. Au tableau des classements, sa n° 84, alors pilotée par Jean-Bernard Bouvet – trois pilotes se relaient en course – est 36e.

Il reste « beaucoup de chemin »

C’est le moment du relais dans les stands bleus Alpine. La voiture a entre 35 secondes et une minute pour effectuer l’opération, loin des 9 secondes records d’un passage au stand en Formule 1. Mais en endurance, seules 4 personnes sont autorisées à s’approcher de la piste. De plus le pilote doit avoir le temps de s’arnacher correctement. Cela va très vite néanmoins. L’Américain Gustavo Menezes laisse le baquet au Monégasque Stéphane Richelmi. Tous deux Rookies – nouveaux venus – en LMP2, ils ont déjà remporté les 6 Heures de Spa-Francorchamp, le 26 avril, avec leur troisième équipier, l’aîné, l’expérimenté Nicolas Lapierre, champion LMP2 en titre. Celui-ci s’offre le luxe d’un petit commentaire à chaud, en course, en direct. « Après une petite faute de stratégie en début de course, on s’est remis dans le bon chemin. » Il n’y a pas de problème particulier sur la voiture, c’est l’essentiel. Même s’il reste « beaucoup de chemin », dix-sept heures alors, dont six de nuit noire. « Là il faut faire attention aux moindres gravillons, aux traces d’huile, peu visibles. »

Arrêt au stand Signatech-Alpine de la n°36, le 18 juin à 21 heures. | CAP

« La pluie et le manque de réussite », c’est également ce que redoute le plus Philippe Sinault, patron de Signature auquel Alpine s’est adressé lorsqu’elle a eu le projet fou de revenir en endurance et de créer son écurie, Signatech-Alpine, fruit de l’alliance de ces deux expériences.

Samedi, Alpine signe sa 60e participation aux 24 Heures. Elle n’est pas la seule grande marque automobile à jouer sur la symbolique, ni à tenter un come-back. Venu de l’autre côté de l’Atlantique, Ford aligne cette année pas moins de 4 prototypes, cinquante ans après le triplé historique de la marque américaine, grâce aux GT 40 victorieuses de 1966 à 1969 (le pilote belge Jacky Ickx, parti bon dernier, remporta l’épreuve au terme d’une remontée épique). Quatre autres voitures « made in USA », des Chevrolet Corvette, participent à la course.

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Dans le village, quelque 300 000 spectateurs déambulent au cours du week-end. Ni les intempéries ni l’Euro 2016 n’ont découragé les amoureux de l’automobile, qui pour rien au monde ne rateraient leur rendez-vous annuel. Pour ne frustrer personne, l’Automobile club de l’Ouest (ACO) organisatrice des 24 Heures, a installé des écrans géants sur lesquels sont retransmis les matchs de la journée. Il y a un stand qui est particulièrement attentif au sujet, celui de la team Panis-Barthez, qui a engagé, également en LMP2, la Ligier JS P2 #23, dont il partage le volant avec Paul-Loup Chatin et Timothé Buret. « Bien sûr que je vais regarder les matchs, a déclaré l’ancien gardien des champions du monde 1998 avant le départ de la course. Parce que le foot, c’est ma vie » Et l’automobile sa passion, dévorante. Pilote leader cette année, il est encore plus concentré, plus fermé. Une stratégie payante, au regard de sa 22e au général au tiers de la course.

Dans le box Alpine, la stratégie s’élabore derrière les fines cloisons de métal. Là où cogitent les cerveaux des ingénieurs, qui analysent et décryptent chaque donnée fournie par les pilotes. Dans le van le jeune Menezes se remet du stress intense de sa première participation sur la piste mythique de la Sarthe. Il dort. Dans un cageot de plastique, des bouts de quatre quarts sous cellophane, et un pack de bières…

Liste de tous les pilotes engagés : ici.