Vitali Moutko, ministre des sports russe, son président Vladimir Poutine et le président de la FIFA Gianni Infantino lors d’un événement préparatoire à la Coupe du monde 2018 en Russie, le 1er juin 2016. | SPUTNIK / REUTERS

Le dopage d’Etat se poursuit en Russie malgré les révélations et les sanctions internationales, affirme mercredi une nouvelle enquête de la chaîne allemande ARD, déjà à l’origine du scandale sur le dopage dans l’athlétisme russe.

Dans une enquête qui sera diffusée mercredi à 22 h 45 et que Le Monde a pu regarder en amont, les journalistes allemands mettent directement en cause le ministre des sports russe, Vitali Moutko, et sa conseillère pour la lutte antidopage, Natalia Jelanova.

Un échange d’e-mails datant du 22 août 2014 entre l’ex-responsable du laboratoire antidopage de Moscou, Grigori Rodchenkov, et le ministère des sports, prouve que le contrôle positif d’un footballeur de première division russe a été dissimulé.

Le contrôle positif mystère

Le laboratoire demande au ministère : « Doit-on attendre la décision de “VL” (pour rendre public ce résultat) ? » « Exactement », lui est-il répondu. Selon ARD, les initiales VL correspondent dans les échanges habituels du ministère à une abréviation désignant les premières initiales du nom complet du ministre des sports : Vitali Leontevitch Moutko.

Le contrôle positif n’a jamais été rendu public. Le produit incriminé était l’hexaréline, un produit qui libère l’hormone de croissance dans l’organisme. Le joueur évoluait à l’époque au FK Krasnodar, troisième du championnat et engagé en Ligue Europa cette année-là. Le contrôle a eu lieu cinq jours avant l’échange d’e-mails, à l’issue d’un match à Rostov.

Parmi les joueurs ayant foulé la pelouse ce soir-là pour Krasnodar, aucun Russe ne jouera l’Euro de football, qui débute vendredi 10 juin en France. En revanche, trois joueurs étrangers titulaires ce 17 août 2014 sont appelés à disputer la compétition.

ARD n’a pas révélé pour l’instant l’identité du joueur contrôlé positif ce jour-là.

Les intrigues de la conseillère antidopage

Vitali Moutko, proche de Vladimir Poutine et directeur du comité d’organisation de la Coupe du monde 2018 en Russie, est également attaqué par l’intermédiaire de sa conseillère à la lutte antidopage.

Natalia Jelanova est accusée de miner la lutte antidopage en Russie dans une lettre-testament écrite par l’ancien directeur du laboratoire de Moscou, Grigori Rodchenkov, avant de quitter la Russie pour les Etats-Unis, et sur laquelle ARD a mis la main.

Selon Rodchenkov, Natalia Jelanova interférait en permanence dans les affaires du laboratoire, en référait à son ministre et faisait tout pour empêcher les fédérations internationales de biathlon (IBU) et de ski (FIS) de contrôler les Russes.

M. Moutko et Mme Jelanova ont également, selon Grigori Rodchenkov, fait pression sur le président de l’Agence mondiale antidopage, sir Craig Reedie, pour empêcher la publication du rapport de la commission d’enquête indépendante sur le dopage en Russie. Sans succès, puisque l’enquête est allée à son terme et a conduit à la suspension de la Fédération russe d’athlétisme.

« Pure diffamation », pour le Kremlin

L’enquêteur Hans-Joachim Seppelt a par ailleurs retrouvé la trace, dans des régions reculées de Russie, de deux entraîneurs officiellement interdits d’activité mais œuvrant toujours pour des athlètes russes.

Parmi eux se trouve l’entraîneur en chef de l’équipe russe de marche, Viktor Chegin, que l’on voit, caché dans une voiture suiveuse, assister à l’entraînement de l’ex-champion olympique du 50 km marche à Londres, Sergueï Kirdyapkine et d’Olga Kaniskina, ex-médaillée d’argent du 20 km marche, tous les deux suspendus pour dopage.

« La Russie n’a jamais prétendu n’avoir aucun problème avec le dopage mais, au cours des cinq ou six dernières années, nous avons mené un travail considérable contre le dopage », affirme Vitali Moutko dans cette émission.

Avant même la diffusion du documentaire, le Kremlin a fait savoir qu’il considère comme de la « diffamation pure » les « allégations et accusations non prouvées » à propos du dopage dans le sport russe.

Le 17 juin, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) doit se prononcer sur le devenir de la suspension qui frappe les Russes, avec pour enjeu principal la participation de ses athlètes aux Jeux olympiques de Rio (5-21 août).

Pour certains acteurs de la lutte antidopage, c’est même la question de la présence de sportifs russes à Rio qui doit se poser. Mais le Comité international olympique, dirigé par l’Allemand Thomas Bach, un proche de Vladimir Poutine, ne s’y risquera probablement pas.