L’Autorité de la concurrence a annoncé, mardi 24 mai, l’ouverture d’une phase d’examen approfondi dans le cadre du rapprochement entre les groupes de distribution Auchan et Système U. Les deux enseignes, qui avaient d’abord conclu une alliance pour rationaliser leur processus d’achat des marques nationales en 2014, s’étaient rapidement mises à discuter d’un rapprochement plus poussé. En plus des achats, de la logistique et des services supports, ils prévoyaient l’échange de magasins : Auchan, spécialiste des hypermarchés, à la tête des grands formats du groupe U, tandis que Système U, fort de son expertise dans les supermarchés, récupérerait l’enseigne Simply Market. L’« Alliance » comme l’appellent les deux enseignes est qualifiée par l’Autorité de la concurrence de « fusion de fait » et lui a été notifiée le 30 décembre 2015.

En attendant sa décision, les discussions entre les deux groupes se poursuivent, avec toutes les complications que peut engendrer un rapprochement entre une enseigne au modèle intégré (Auchan) – où les patrons des magasins sont des salariés du groupe – et un modèle coopératif (Système U) – dans lequel la mise en œuvre des décisions nationales dépend des responsables de magasins qui sont leur propre patron.

Dans les semaines qui viennent, le gendarme de la concurrence va se pencher notamment sur « la question de la pression concurrentielle exercée par les drives [où les clients viennent chercher les courses commandées par Internet] sur les autres magasins et la manière de prendre en compte ces points de vente dans l’analyse des effets de l’opération », a annoncé l’Autorité de la concurrence mardi 24 mai. Fin 2015, Auchan comptabilisait 162 drives en France. Système U en comptalisait 642 au 1er janvier, selon l’étude Grande conso 2016 d’IRI et des éditions Dauvers.

Position dominante

L’institution de la Rue de l’Echelle va étudier la présence des deux enseignes, zone de chalandise par zone de chalandise, et pourra leur demander, en cas de position dominante, de céder certains magasins. « L’Autorité examinera également la définition géographique des marchés alimentaires, en étudiant la possibilité de retenir des magasins situés hors des frontières nationales dans les zones locales frontalières concernées par l’opération », explique l’Autorité de la concurrence.

En amont, l’institution promet aussi d’étudier les conséquences de cette opération pour les fournisseurs, notamment ceux « appartenant à des catégories qui étaient jusqu’alors exclues du mandat d’achat commun conclu par Auchan et Système U en 2014 ».

Lors de son dernier rapport sur l’impact concurrentiel des regroupements des centrales d’achat dans la grande distribution – à l’époque Auchan s’était allié avec Système U, Intermarché avec Casino, Carrefour avec Cora – publié en avril 2015, l’Autorité de la concurrence avait considéré que ces alliances pourraient contribuer à réduire la qualité, l’investissement, l’innovation, voire évincer certains fournisseurs. « Il est important que la grande distribution corrige ses alliances pour prendre en compte les risques concurrentiels », avait alors prévenu Bruno Lasserre, le président de l’Autorité. « Faute de quoi, poursuivait-il, l’Autorité de la concurrence pourrait s’autosaisir pour mener une procédure contentieuse pour entente. »

Négociations commerciales durcies

Depuis, de nombreux rapprochements, destinés à mutualiser les achats, ont été annoncés. Leclerc s’est associé en juin 2015 avec l’allemand Rewe Group dans une alliance aux contours encore flous. Le mandat commun entre Auchan et Système U dans le domaine des achats en Europe, auquel s’est associé le groupe Metro, est en train de s’étendre aux marques de distributeurs (MDD) et aux articles dits de bazar. Tandis que Casino et l’espagnol Dia ont annoncé en novembre 2015 qu’ils coordonnaient « les négociations d’achats de leurs Marques distributeurs en Europe, en visant à terme une massification de près de 50 % des volumes ».

D’autant que cette année, les fournisseurs n’ont pas caché que les négociations commerciales qui se sont achevées fin février, se sont encore durcies avec la diminution du nombre d’acteurs et la poursuite de la guerre des prix. Il ne fait aucun doute que l’Autorité de la concurrence aura à cœur de montrer les limites des alliances entre les distributeurs sur l’amont de la filière.

L’Autorité de la concurrence rendra ses conclusions au cours de l’été, voire début septembre, les textes prévoyant qu’à partir de l’ouverture de cet examen approfondi elle rend son rapport en principe dans un délai de 65 jours ouvrés.