Image promotionnelle de « Watch Dogs 2 ». | Ubisoft

Le Electronic Entertainment Exposition (E3), salon annuel californien du jeu vidéo, n’a pas encore ouvert ses portes, mais bon gré mal gré, il a déjà commencé. Mercredi 8 juin, l’éditeur français Ubisoft a mis en ligne la première bande-annonce officielle pour le jeu d’action Watch Dogs 2, suite de sa superproduction de 2014, qui se déroulera cette fois à San Francisco et sortira le 15 novembre.

Ces derniers jours, les annonces en tout genre se succèdent : suite d’Injustice, jeu de combat réunissant les superhéros de DC Comics (Batman, Superman, etc.) ; Deus Ex Go, jeu mobile à la manière de Tomb Raider Go et Hitman Go, mais dans l’univers cyberpunk d’une célèbre série de jeux de rôle.

Watch_Dogs 2 – Trailer d’annonce
Durée : 02:04

Si les éditeurs dévoilent un à un leurs projets, c’est que le mois de juin est celui de l’Electronic Entertainment Exposition (E3), un salon de jeu vidéo qui se tient depuis 1995, et qui rythme la vie médiatique de l’industrie depuis deux décennies. Avec la démocratisation d’Internet, sa consommation a changé. « A l’époque, on devait attendre fin juin, début juillet pour voir apparaître dans les magazines spécialisés les nouveautés annoncées à l’E3 début mai, relève Thomas Grellier, professeur associé de marketing et consultant auprès de l’industrie. Maintenant, on regarde les conférences en direct, et en plus elles sont commentées. Il n’y a plus ce côté premium. »

Et l’édition 2016 ne fait que confirmer cette dématérialisation accrue : alors que l’E3 ouvre officiellement ses portes le 14 juin, plus personne ne se soucie de ses dates de tenue pour lancer sa communication, au grand dam d’une communauté de passionnés très attachés à la formule événementielle du salon.

Course à la visibilité

« Est-ce que l’E3 est en train de devenir inutile ? », s’interroge ainsi un internaute sur NeoGaf, le plus important forum anglophone du secteur, dans un fil de discussion animé. Certains acteurs majeurs ont d’ores et déjà fait le choix de ne plus y être physiquement, comme Electronic Arts (FIFA, Battlefield, Mass Effect) – qui tiendra une conférence à part dès dimanche en amont du salon –, Activision – qui n’y aura pas de stand – ou encore Nintendo – qui y présentera son nouveau The Legend of Zelda et plusieurs jeux 3DS, mais n’y tient plus d’événement depuis plusieurs années, préférant directement diffuser ses programmes sur les plateformes de vidéo en direct comme Twitch.

« Je n’irais pas annoncer la mort de l’E3, mais ça change beaucoup, observe Thomas Bidaux, cofondateur de la société de conseil en jeu vidéo ICO Partners. Ainsi, cette année, il y a une antenne du salon ouverte au grand public, le LA Live, il y a moins d’événements presse [de type conférence] même si cela évolue chaque année, et le retrait d’acteurs de taille moyenne. »

On doit à une entreprise en particulier d’avoir fait exploser le cadenas de l’E3 : l’Américain Bethesda. L’an passé, en organisant un événement trois jours avant le salon, avant même les sacro-saintes conférences des constructeurs Microsoft, Sony et Nintendo, l’éditeur de Fallout 4 et de Doom avait obtenu une visibilité maximale à ses jeux, notamment en termes d’articles en ligne. « Pour moi, il ne fait aucun doute que Bethesda est le grand vainqueur de cet E3 », écrivait en 2015 Thomas Bideaux dans une analyse quantitative très relayée.

« Fallout 4 » et « Doom », deux jeux Bethesda, figurent sur le podium des titres ayant eu le plus de couverture médiatique en 2015. | Ico Partners

En avançant à dimanche sa conférence de presse, Electronic Arts semble en avoir pris acte. « Les éditeurs veulent sortir du brouhaha ambiant pour imposer leurs propres événements », détaille Thomas Grellier. Si d’habitude les préannonces de l’E3 étaient réservées aux productions mineures ayant peu de chance de faire parler d’elles durant le salon, la mise en ligne de la bande-annonce de Watch Dogs 2 dès mercredi, six jours avant l’ouverture des portes et quatre jours avant la conférence d’Ubisoft, témoigne de la nouvelle course à la visibilité que se livrent les éditeurs. Bientôt, l’Electronic Entertainment Exposition ne sera peut-être plus un salon, mais le nom d’un mois sur le calendrier de l’industrie.