Le Mémorial de Verdun, à Fleury-devant-Douaumont (Meuse), en février. | JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP

Dimanche 29 mai, François Hollande et Angela Merkel commémoreront le centenaire de la bataille de Verdun, qui fit plus de 300 000 morts, entre le 21 février et le 15 décembre 1916.

Plus de 30 ans après la poignée de main entre François Mitterrand et Helmut Kohl, devant l’ossuaire de Douaumont (Meuse), le 22 septembre 1984, le président français et la chancelière allemande n’ont pas souhaité reproduire ce geste qui est devenu le rituel des rencontres mémorielles franco-allemandes. A Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) en septembre 2013, puis à l’Hartmannswillerkopf (Vosges) en août 2014, les présidents François Hollande et Joachim Gauck s’étaient donné la main.

Cette fois, François Hollande et Angela Merkel descendront dans la nécropole de Douaumont pour évoquer la mémoire de Verdun avec deux jeunes français et allemands à l’issue d’une scénographie conçue par le cinéaste allemand Volker Schlöndorff. « Quatre mille jeunes arriveront de la forêt et déferleront dans la nécropole de Douaumont au son des tambours du Bronx, indique l’Elysée. Avec dignité et lenteur, car nous sommes au cœur d’un cimetière. »

Dans l’ossuaire, le président et la chancelière dévoileront l’inscription franco-allemande évoquant la présence des ossements mêlés de 130 000 soldats allemands et français. Jusqu’à présent, seuls les noms des soldats français étaient gravés dans cet édifice inauguré en 1932.

« Mémoire partagée »

Angela Merkel sera également invitée à Verdun, ville martyre, érigée dès la bataille en symbole de la résistance française. « Ce sera une première pour un chef de gouvernement allemand », précise-t-on à l’Elysée. A Fleury-sous-Douaumont, le président et la chancelière inaugureront ensuite le Mémorial de Verdun. Fondé par les anciens combattants français en 1967, il a été entièrement rénové pour rendre compte de la dimension franco-allemande de la bataille.

Dans les pas de MM. Mitterrand et Kohl, M. Hollande et Mme Merkel iront également au cimetière allemand de Consenvoye, où ils salueront la mémoire des soldats allemands morts à Verdun. Autant d’étapes symboliques dont le but sera de mettre en évidence ce que l’historien Nicolas Offenstadt appelle la « mémoire partagée entre la France et l’Allemagne du premier conflit mondial ».

Cette journée sera surtout placée sous le signe de l’Europe. Lors d’un déjeuner de travail, il sera question de la sortie de crise de la Grèce, de la crise des réfugiés et de la préparation du prochain conseil européen en juin. « Il s’agira, quelle que soit l’issue du référendum britannique [sur la sortie de l’UE], de voir quelles initiatives peuvent être prises au niveau européen et sous l’impulsion franco-allemande », souligne l’Elysée.

Dans la lignée des commémorations de la Grande Guerre de 2014, M. Hollande prononcera à Douaumont un discours dans lequel l’Europe occupera une place centrale. Verdun permettra d’évoquer le courage des dirigeants français et allemands qui après 1945 ont lancé le mouvement pacifique de la construction européenne. Un message d’espoir qui sera renforcé par la présence du président du Parlement européen, Martin Schulz, et du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

« La dépétainisation de Verdun »

M. Hollande marchera également sur les traces du Général de Gaulle, maître des cérémonies du cinquantenaire de la bataille, le 29 mai 1966, dont l’objectif avait été de ressouder les Français. Quatre ans après la réconciliation franco-allemande scellée à Reims en 1962, le chancelier Ludwig Erhard n’avait pas été invité. « En 1966, de Gaulle parachève la “dépétainisation” de Verdun amorcée après 1945 lorsque la place Pétain est débaptisée au profit d’une place de la Libération », explique Serge Barcellini, président du Souvenir français, fin connaisseur des questions mémorielles.

Après la mort du Maréchal Pétain en 1951, de nombreux anciens combattants qui lui étaient restés fidèles, demandèrent le transfert de sa dépouille à Douaumont, conformément à sa volonté. Il fallut attendre 1964 pour qu’un argument légal soit défini : Pétain n’avait pas le droit à une sépulture perpétuelle parce qu’il n’était pas mort pour la France. Le 29 mai 1966, devant l’ossuaire, de Gaulle avait explicité cette position : « Cette nécropole est pour jamais un monument d’union nationale que ne doit troubler rien de ce qui, par la suite, divisa les survivants. »

La figure de Pétain sera soigneusement évitée lors des commémorations. M. Hollande et Mme Merkel ont souhaité que le centenaire de la bataille ne soit pas tourné vers le passé, mais vers l’avenir et la jeunesse. Le chef de l’Etat ne reviendra pas sur la polémique alimentée par l’extrême droite qui a provoqué l’annulation du concert de Black M, organisé en marge des commémorations. « Il a dit ce qu’il avait à dire », insiste-t-on à l’Elysée. Invité d’Europe 1 le 17 mai, M. Hollande avait dénoncé les « pressions inouïes, de violence, de haine » subies par le maire de Verdun, en ajoutant que si celui-ci « le voulait, l’Etat mettrait les moyens pour sécuriser le concert ».