Le 16 juin, plusieurs sénateurs démocrates ont débattu pendant quinze heures d’affilée sur une nouvelle législation permettant un plus grand contrôle des ventes d’armes. | J. Scott Applewhite / AP

« Je ne veux pas d’une nouvelle situation à la “Un jour sans fin”. » La référence à une célèbre comédie romantique, dans laquelle Bill Murray revit la même journée à l’infini, ne prête pourtant pas à rire. Une semaine après l’attentat d’Orlando, qui a fait 49 morts dans un night-club gay de Californie, la sénatrice républicaine modérée du Maine, Susan Collins, appelle à ne pas renouveler les débats stériles sur la vente d’armes aux Etats-Unis, et à, enfin, agir pour mieux la contrôler. Omar Mateen, le terroriste qui a ouvert le feu dans ce night-club dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 juin, avait pu acheter légalement ses armes.

Madame Collins a proposé une loi qui interdirait la vente d’armes à feu aux suspects se trouvant sur la « No-Fly List », c’est-à-dire ceux qui n’ont pas le droit de prendre un vol commercial vers et depuis les Etats-Unis. Les suspects figurant sur la liste des « Selectee », qui doivent subir un contrôle de sécurité supplémentaire avant de prendre ces vols, n’auront également pas le droit d’acheter des armes à feu. Selon une enquête du site The Intercept, publiée en 2014, plus de 47 000 personnes seraient inscrites sur la « No-Fly List ».

La proposition de Mme Collins ne sera pas la seule à être soumise aux élus américains. Lundi 20 juin, le Sénat devait examiner quatre autres projets déposés après l’attentat d’Orlando. Deux provenant des républicains, deux des démocrates. Elles devront recueillir soixante votes pour que le processus législatif puisse se poursuivre.

  • Interdire ou retarder la vente aux personnes suspectées de terrorisme

La sénatrice démocrate californienne Diane Feinstein souhaite que l’avocat général puisse bloquer la vente d’une arme en cas de « suspicion raisonnable » qu’une personne est ou a été engagée dans des activités terroristes, ou qu’elle représente un danger pour la sécurité publique. On dénombrerait plus de 680 000 personnes inscrites dans la base de données Terrorist Screening Database, gérée par le Terrorist Screening Center, une agence fédérale dépendante du FBI, selon The Intercept.

Côté républicain, le sénateur John Cornyn (Texas) veut, quant à lui, permettre à l’avocat général de retarder de soixante-douze heures l’achat d’une arme par une personne suspectée de terrorisme (inscrite dans la Terror Watch List du FBI), donnant le temps aux autorités fédérales d’obtenir devant la justice l’interdiction de vente pour la personne concernée. Cet amendement donnerait également à l’avocat général la possibilité de retarder l’achat d’une arme par toute personne ayant été suspectée de terrorisme au cours des cinq dernières années.

  • Renforcer les « background checks »

Deux propositions s’attaquent aux background checks, ces vérifications qui sont théoriquement faîtes à chaque achat d’arme à feu. En principe, toute personne qui rentre dans un magasin d’armes à feu et souhaite faire un achat doit remplir un questionnaire et donner son numéro de sécurité sociale. Le magasin va alors appeler un service spécial, le NICS, et le FBI va chercher dans plusieurs fichiers, notamment criminels, afin de voir si le client apparaît.

Le sénateur républicain (Iowa) Chuck Grassley propose l’ajout de vérifications supplémentaires sur la santé mentale de l’acheteur dans la liste des background checks par lesquels passent les acquéreurs d’armes.

Le sénateur démocrate (Connecticut) Chris Murphy a, lui, proposé une autre loi qui étendrait et renforcerait ces contrôles à toutes les ventes sur Internet et aux conventions d’armes à feu. En effet, le Gun Control Act de 1968, qui permet aux particuliers possesseurs d’armes à feu de les revendre sans avoir à réaliser de contrôles, permet la vente libre d’armes entre particuliers dans près de trente-deux Etats, selon le site spécialisé The Trace.

Pourquoi ça risque de ne pas passer

La situation rappelle celle qui s’était présentée après l’attentat de San Bernardino, fin 2015, quand deux amendements démocrates en faveur d’un plus grand contrôle de la vente d’armes à feu avaient été rejetés au Sénat. Le premier proposait d’étendre les background checks aux ventes en ligne et aux salons, alors qu’un amendement de Diane Feinstein demandait l’interdiction pure et simple de la vente d’armes à feu à toute personne inscrite dans le fichier des suspects de terrorisme.

Comme l’analyse le New York Times, les propositions démocrates ont peu de chances d’être votées par les sénateurs républicains et inversement, et le vote de lundi risque de se solder par un échec, notamment en raison des élections qui approchent.

Le porte-parole de la Maison Blanche a, de son côté, récemment assuré que le président ne souhaitait pas presser l’agenda, afin de « gérer correctement » ces réformes.

Un sujet très présent dans la campagne présidentielle

Le débat est un sujet majeur de la campagne présidentielle en cours. En opposition à une partie du camp républicain, le candidat conservateur, Donald Trump, s’est prononcé en faveur d’une loi interdisant la vente d’armes aux personnes suspectées de terrorisme, ainsi que celles inscrites sur la « No-Fly List », ajoutant qu’il comptait rencontrer la NRA (National Rifle Association), le puissant lobby des armes à feu.

Le candidat républicain a cependant tenu des propos polémiques en assurant que si les personnes se trouvant dans le night-club d’Orlando avaient été armées, le bilan des victimes aurait été réduit.

De son côté, la candidate démocrate, Hillary Clinton, a assuré que les « fusils d’assaut » ne devaient en aucun cas se retrouver dans les rues.

Armes à feu : ce qui divise Trump et Clinton
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