Les marques chinoises ont encore du mal à se faire une place sur le continent entre les Japonaises, les Coréennes et les véhicules d’occasion venus d’Europe. Mais les choses sont en train de changer. Dans les rues d’Alger, d’Abidjan et de Lagos, on voit de plus en plus de voitures Great Wall et de camions Foton.

Les grands groupes automobiles de l’empire du Milieu ont commencé à prendre la route de l’Afrique en 2012. Peu à peu, ils ont surmonté les difficultés : problèmes d’image de marque, fiabilité douteuse, manque de pièces détachées, distribution compliquée et barrières douanières élevées. Depuis trois ans, les voitures chinoises ont fait du chemin et la Chinafrique a peu à peu conquis les conducteurs avec des véhicules de 30 à 40 % moins chers que la concurrence et une qualité qui ne cesse de s’améliorer.

A peine 3 % de la production chinoise

Avec une progression de 4,7 % « seulement » en 2015 et 24,6 millions de véhicules vendus en Chine, on est très loin du grand bond en avant de 14 % enregistré il y a trois ans. La Chine a beau être le plus grand marché automobile du monde, s’y faire une place au soleil n’est pas chose aisée. Paradoxalement, c’est encore plus difficile pour les marques nationales qui cherchent désormais leur salut plus loin. « Les constructeurs chinois souhaitent tous ardemment vendre à l’étranger », souligne Paul Gao, expert du cabinet McKinsey à Hongkong. La tendance reste balbutiante. En 2015, à peine 3 % de la production chinoise, soit 755 500 véhicules, ont été exportés à l’étranger.

L’entreprise d’Etat GAIG (Guangzhou Automobile Industry Group) est l’une des premières à s’être attaquée aux marchés émergents, surtout le Moyen-Orient et l’Afrique. Elle souhaite désormais produire directement en Iran ses 4x4. Autre marque en pointe sur le continent : Chery. C’est l’une des plus anciennes marques chinoises. Créée en 1997, elle vient de relancer une ligne d’assemblage en Egypte avec l’objectif d’inonder l’Afrique de ses véhicules à bas coût. « Un marché dont le potentiel est énorme », affirme son patron, He Xiaoqing.

Autre pionnier chinois en Afrique, BAIC (Beijing Automotive Industry Holding Co). Ce groupe public produit environ 150 000 véhicules par an en Chine. En 2018, il ouvrira sa première usine en Afrique du Sud. Ses SUV (Sport Utility Vehicule) ont gagné le cœur des conducteurs qui jusque-là ne juraient que par Toyota et Nissan. Des véhicules bien dessinés et surtout bon marché, il n’en fallait pas plus pour grimper la montagne africaine.

Une route semée d’embûches

Comme elles, plusieurs marques chinoises franchissent le pas et assemblent leurs véhicules sur le continent. « L’Afrique de l’Est et du Sud ont le plus gros potentiel, estime Milo Gao, le directeur Afrique de Foton Motor Group, le premier fabriquant de véhicules utilitaires en Chine et le deuxième dans le monde. Nous allons nous développer dans la fabrication de bus et de camions en délocalisant d’abord en Ouganda et en Tanzanie où nous sommes distribués depuis 2013. Mais il reste encore à régler des problèmes d’acheminement des pièces et construire un réseau de concessionnaires stable. »

Au départ, les ambitions seront forcément modestes. Une centaine de véhicules par jour pour Foton et deux concessionnaires assurant le service après-vente à Namanve et Bugolobi.

En Afrique de l’Ouest en revanche, la route est semée d’embûches. L’insécurité et le chômage sont souvent cités par les marques chinoises pour justifier leur retard sur ces marchés encore dominés par les secondes mains et la débrouille des petits garagistes locaux. Mais des initiatives commencent à apparaître comme au Cameroun où les premiers véhicules produits localement par les Chinois Gac Gonow et Yutong et la société indienne Azad Coach sont attendu d’ici la fin de l’année. Deux unités de montage sont en construction à Douala et à Kribi après un accord signé en juin 2015.

Reste le Nigeria. Le plus grand pays du continent attire l’ensemble des constructeurs étrangers comme le Chinois Chery, mais aussi l’Indien Tata, les Coréens Hyundai et Kia, ou encore Nissan. L’Indien Kewalram Chanrai Group s’est même allié à Foton pour implanter une usine d’assemblage de véhicules à Lagos. Un investissement de 62 millions de dollars. Les projets abondent dans le pays pour profiter notamment des incitations fiscales prévues par le plan national de développement de l’industrie automobile (NAIDP).

Des exportations en hausse de 30 % par an

La diaspora chinoise également pourrait permettre d’accélérer le mouvement. Pékin a ainsi fait cadeau de cinquante berlines Great Wall à la Côte d’Ivoire et les grands groupes chinois très nombreux sur le continent achètent en priorité des véhicules fabriqués chez eux.

En Afrique du Nord, les marques étrangères sont déjà bien installées. Le Chinois Great Wall vend plus de dix mille véhicules par an en Algérie et en Egypte. Ces modèles SUV Haval sont très prisés d’une clientèle aimant les voitures solides et tape à l’œil. Les exportations du groupe augmentent de 30 % en moyenne par an.

Mais le sursaut pourrait venir des partenariats avec les marques étrangères. En Chine, la plupart des constructeurs comme Peugeot ou Renault ont en effet un partenaire local – en l’occurrence Dongfeng – via une coentreprise. Si le groupe PSA (Peugeot, Citroën) ne vend pas de made in China en France, il a déjà exporté des voitures produites par ses coentreprises chinoises vers des marchés émergents, comme l’Egypte ou plus récemment l’Iran avec un SUV de la marque DS.

Car l’Occident reste encore un marché interdit à ces voitures chinoises qui peinent à respecter des normes d’homologation de plus en plus strictes. Résultat, Great Wall travaille davantage ses solutions de refroidissement des moteurs pour les climats tropicaux que les normes UE ultra-sévères. La marque prépare même des modèles avec une direction à droite pour l’Afrique du Sud et le Kenya.

Petit à petit, le tabou des voitures made in China semble donc s’estomper. Même si la route est encore longue. Le Coréen Hyundai écoule ainsi près de 150 000 voitures par an sur le continent. Soit près de sept fois plus que Great Wall.

Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le siteChinafrica.info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.