Du 10 juin au 10 juillet, 10 villes accueillent 51 matchs. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Combien coûte l’organisation du championnat d’Europe de football ? Qui paye ? Que peut-on espérer en retirer ? L’OCDE remettait, jeudi 19 mai, à Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, son rapport sur l’impact en termes de développement économique et d’emploi local de l’Euro 2016. Dans un contexte de fort chômage et d’économie au point mort, ce rapport répond à une attente des institutions et des Français, échaudés par les Jeux d’hiver d’Albertville, et leurs 454 millions d’euros de déficit estimé en 2006, ou la Coupe du monde de rugby 2007, aux retombées trop localisées pour influer sur l’économie nationale.

Au niveau national, l’ensemble des rénovations et constructions de stades a un coût sur trois ans proche de 2 milliards d’euros, financé par l’Etat (152 millions), l’UEFA (2 millions versés à chaque ville hôte), les clubs et les villes. Quatre stades sont sortis de terre, à Bordeaux, Lille, Lyon et Nice, et quatre ont été modernisés à Lens, Marseille, Saint-Etienne et Toulouse. En retour, 2,5 millions de visiteurs sont attendus, dont 40 % d’étrangers, qui devraient créer une valeur ajoutée de 1,2 milliard d’euros et 16 176 emplois équivalent temps plein tout en favorisant l’insertion de 100 000 personnes.

« On retrouve ici à peu près les chiffres annoncés par le premier ministre, mais des chiffres sensiblement inférieurs à ceux donnés par les études commanditées par l’UEFA », note le rapport.

L’intérêt du rapport de l’OCDE réside dans le détail ville par ville de l’intégration de l’Euro 2016 dans un projet global de développement.

Bordeaux (5 matchs, coût 184 millions) souhaite, grâce à cette compétition, conforter sa place de grande métropole européenne. Pour ce faire, la ville a fait construire un nouveau stade, le Matmut Atlantique. Comme toute les villes-hôte, elle s’est équipée d’une Fan zone qui pourra accueillir 60 000 supporters. A plus long terme, la ligne TGV qui doit mettre Bordeaux à deux heures de Paris doit consolider l’héritage de l’Euro.

Nice (4 matchs, 204 millions) a également utilisé le « naming » pour financer son nouveau stade, l’Allianz Riviera, d’une conception exemplaire selon le rapport. Multifonctions, il est doté d’espaces de restauration, de commerces, de bureaux et d’un Musée national du sport. Sa structure en bois et ses 16 000 m2 de panneaux photovoltaïques permettent à l’enceinte de produire trois fois plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Pour animer sa « Fan zone », 550 volontaires sont formés – un chiffre variant, selon les villes, de 500 à 800, 1 000 à Saint-Denis. Cinq stades de quartier ont par ailleurs été rénovés et la ligne T2 de tramway construite.

Le stade de Lille. | MICHEL SPINGLER / AP

Lille (6 matchs, 324 millions) souhaite profiter de l’Euro pour booster son attractivité et lutter contre le chômage. Son dispositif « Circuit court » a déjà permis à 560 jeunes de trouver un emploi, selon la municipalité. Sportivement, Lille veut devenir incontournable lors d’événements sportifs « globaux ».

Le Grand Stade de Lyon. | ROBERT PRATTA / REUTERS

Lyon (6 matchs, 400 millions) a fait construire le stade le plus spectaculaire de cet Euro. Avec ses commerces, son hôtel, ses restaurants et son Musée de l’OL, le Stade des Lumières devient pôle d’attraction. Et les 40 000 logements bâtis a proximité doivent générer 64 000 emplois. Pour l’emploi encore, la ville a créé le programme « 1 000 entreprises pour l’insertion ».

Marseille (6 matchs, 264 millions), ville symbole de la diversité, inscrit l’Euro dans un vaste projet de rénovation des équipements sportifs et culturels. Comme Bordeaux ou Toulouse, Marseille propose un Pass pour accéder à l’ensemble des musées de la ville. Mis aux normes environnementales, le Stade Vélodrome a permis la création de 54 CDI, à ajouter aux 3 000 emplois limités à la durée de la compétition. La Fan Zone, une des plus grandes avec Paris, a une capacité de 80 000 personnes.

Saint-Etienne (4 matchs, 75 millions) souhaite, avec l’Euro, diversifier son activité, très industrielle, vers le tertiaire. Devenue « cité du design », au sens de l’Unesco, elle s’appuie sur ce levier pour moderniser ses activités manufacturières.

Toulouse (4 matchs, 35 millions), siège d’Airbus industrie, n’avait pas besoin d’infrastructures spécifiques, juste quelques équipements sportifs à rénover. La ville compte en revanche sur l’Euro pour faire connaître son patrimoine culturel. D’où l’instauration d’un label So Toulouse.

Lens (4 matchs, 70 millions) met l’accent sur la rénovation « durable » de son stade Bollaert-Delelis, sa Fan zone de 10 000 places et sur l’exposition Racing Club au « Louvre-Lens ». Avec un taux chômage de 27,1 % (chiffres 2012), la ville compte sur l’Euro pour étendre son centre-ville et valoriser son patrimoine minier.

Paris (5 matchs, coût non communiqué), son vieux Parc des Princes rénové de 45 000 places et sa maxi Fan zone Tour Eiffel de 120 000 personnes, a profité de l’Euro pour reconfigurer les stades Jean Bouin et Géo André, et rénover quelques terrains de foot. Son attrait touristique n’étant plus à démontrer, avec 29 millions de visiteurs par an, la capitale instaure un City Pass en partenariat avec Saint-Denis.

Saint-Denis (7 matchs, coût non communiqué) est l’exemple réussi d’un désenclavement initié par une grande compétition sportive, la Coupe du monde de football de 1998. La construction du Stade de France (81 000 places) a draîné transports, entreprises et loisirs. Tout est donc prêt pour l’Euro. Ou presque : la Fan Zone reste en attente. Saint-Denis capitalise désormais pour… 2024.

C’est l’autre objectif du rapport de l’OCDE, qui révèle que seuls les Jeux apportent au pays organisateur « un différentiel de croissance significatif ». Une organisation bénéficiaire de l’Euro 2016 serait un atout de poids pour la candidature de Paris 2024.