Zinédine Zidane et Cristiano Ronaldo, le 28 mai, à Milan. | GERARD JULIEN / AFP

Club le plus riche du monde (577 millions de revenus en 2014/2015), le Real Madrid a étoffé sa légende, samedi 28 mai, au stade San Siro de Milan, en remportant la Ligue des champions pour la onzième fois de son histoire. Entraînés depuis janvier par l’icône française Zinédine Zidane, les Merengue ont décroché leur « undécima » en battant (1-1) aux tirs au but leurs frères ennemis de l’Atlético au terme d’un derby électrique. Supérieurs techniquement mais dépassés tactiquement, les Galactiques ont ouvert le score grâce à un but de leur capitaine emblématique Sergio Ramos.

En 2014, déjà face aux Colchoneros, c’est Ramos qui avait égalisé dans les arrêts de jeu avant que son équipe prenne le large (4-1) en prolongations et glane son dixième trophée aux grandes oreilles : sa « décima ». Le Belge Yannick Carrasco a, lui, égalisé en seconde période pour l’Atlético. L’échec est rude pour le club de l’entraîneur argentin Diego Simeone, incapable de prendre sa revanche. C’est la troisième fois que la formation du sud de Madrid s’incline en finale de la Ligue des champions après ses revers concédés en 2014 et en 1974.

Sous un soleil de plomb, les supporteurs des deux clubs rivaux ont d’abord répété leur chant sur la Piazza del Duomo, se chambrant volontiers. Sur la ligne 1 du métro, les fans du Real et de l’Atlético ont ensuite trouvé un compromis en conspuant l’ennemi commun, le FC Barcelone, vainqueur de l’édition 2015 de la Ligue des champions. A l’entrée du stade San Siro, les carabiniers italiens ont ensuite séparé les tifosi en fonction de leurs couleurs, les dirigeant vers leurs tribunes respectives.

A l’intérieur de la monumentale enceinte de San Siro, jamais rénovée depuis le Mondial italien de 1990, la tension a monté d’un cran alors que la chanteuse new-yorkaise Alicia Keys et le ténor transalpin Andrea Bocelli venaient de terminer leur « show ». Souliers cirés et costume noir, Zinédine Zidane s’est installé sur son banc, scrutant ses protégés placés au centre du terrain. Les cheveux gominés, son homologue Diego Simeone s’est alors dirigé vers lui pour le saluer.

A l’entame du match, les premiers contacts sont particulièrement rugueux. Taulier de la défense des Colchoneros, l’Uruguayen Diego Godin est obligé de dégager le ballon en tribunes suite à un débordement de Cristiano Ronaldo (1ère minute). Sur un coup franc de Gareth Bale, le Français Karim Benzema a l’occasion d’ouvrir la marque pour le Real (5e). Mais le numéro 9 des Merengue trouve devant lui Jan Oblak, le gardien slovène de l’Atlético, auteur d’une parade réflexe. Sous les imposantes arcanes métalliques de San Siro, le « peuple blanc » retient sa respiration avant de manifester sa frustration.

Le but de Sergio Ramos

Alors que ses joueurs multiplient les fautes sur les « artistes » du Real, Diego Simeone trépigne le long du terrain. A quelques mètres, le sphinx Zidane prodigue ses conseils, le regard grave. A la quatorzième minute, les Galactiques héritent d’un énième coup franc. Bien placé, le Gallois Gareth Bale prolonge le ballon de la tête pour Sergio Ramos qui devance Jan Oblak pour ouvrir le score. Au bord de la pelouse, Zinédine Zidane contient sa joie. Le public « madridiste », lui, ronronne dans les travées vertigineuses de San Siro.

Le rythme de la rencontre se ralentit après la réalisation du Real. Piqués au vif, les joueurs de l’Atlético tentent de poser leur jeu. Juanfran expédie une frappe dévissée (24e) dans les nuages. Puis le François Antoine Griezmann décoche une salve à ras de terre et bien négociée par Keylor Navas (39e), le portier de la Casa blanca. Comme groggy, les Colchoneros regagnent les vestiaires à la mi-temps sous le regard déterminé de Diego Simeone.

De retour sur la pelouse, l’Atlético hausse le ton. Dans la surface de réparation du Real, Fernando Torres s’écroule suite à une intervention irrégulière du défenseur portugais Pepe (46e). L’arbitre anglais Mark Clattenburg désigne alors le point de penalty. Auteur de 32 buts en 53 matches cette saison, Antoine Griezmann est chargé de transformer la sentence. La pépite des Bleus s’élance mais sa lourde frappe percute le dessous de la barre de Keylor Navas. Les supporteurs du Real exultent tandis que Zinédine Zidane, les mains dans les poches, reste de marbre.

L’ex-numéro 10 des Tricolores est ensuite contraint de sortir Dani Carjaval, blessé, pour faire entrer dans l’arène le Brésilien Danilo. De plus en plus pressant, l’Atlético se rue sur la cage de Navas et le défenseur Stefan Savic est un zeste trop court pour dévier le ballon au fond des filets du Real (53e). A l’image de Koke, auteur d’une belle demi-volée (54e), les Colchoneros dominent les débats. Désireux de galvaniser ses joueurs, Diego Simeone fait de grands gestes pour « chauffer » ses supporteurs. Le crâne luisant, constamment debout, Zinédine Zidane donne, lui, ses consignes.

L’égalisation de Carrasco

L’ex-star des Galactiques (2001-2006) hurle de rage lorsque Karim Benzema, bien lancé par Luka Modric, perd son duel avec Jan Oblak (70e) et manque l’occasion de « tuer » la rencontre. Dans la foulée, « ZZ » fait entrer le prodige espagnol Isco à la place de l’Allemand Toni Kroos. Il décide ensuite de remplacer Karim Benzema par Lucas Vazquez. A la 77ème minute, Cristiano Ronaldo voit son tir bien capté par Jan Oblak. Le match s’emballe et « CR7 » bute encore sur Jan Oblak, impérial. Gareth Bale a bien suivi mais sa frappe croisée est détournée sur sa ligne par un défenseur de l’Atlético.

Sur l’action qui suit, Juanfran adresse un centre tendu du plat du pied à Yannick Carrasco. A l’affût au second poteau, l’ex-attaquant belge de Monaco crucifie Navas et égalise (78e). La coulée rouge et blanche fait alors trembler les travées de San Siro. Extatique, Diego Simeone communie avec ses joueurs qui forment une pyramide humaine.

Yannick Ferreira Carrasco égalise pour l’Atlético Madrid, le 28 mai, en finale de la Ligue des champions. | PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

Percutant, Gareth Bale a l’occasion d’offrir la victoire au Real. Mais sa frappe est détournée par Jan Oblak (85e). Recroquevillés en défense, les joueurs de l’Atlético voient les centres adverses fuser à plusieurs reprises devant leur cage. Les arrêts de jeu s’éternisent et Sergio Ramos écope d’un carton jaune pour avoir fauché Yannick Carrasco, qui s’apprêtait à mettre sur orbite Antoine Griezmann. Si les supporteurs du Real se murent dans le silence, ceux de l’Atlético exultent lorsque Mark Clattenburg donne le coup de sifflet final, synonyme de prolongations crispantes.

Guerre mentale

Au centre du terrain, les deux équipes se désaltèrent avant la guerre mentale qui s’annonce. Dès les premières minutes, Danilo écope d’un carton jaune pour avoir retenu du bras Yannick Carrasco, qui filait le long de la ligne de touche. Dans la foulée, Cristiano Ronaldo décoche une tête puissante mais le ballon atterrit dans les gants de Jan Oblak, vigilant (94e). Soucieux d’éviter la moindre erreur, les deux rivaux temporisent, faisant tourner le ballon. Le long du terrain, Zidane échange alors à plusieurs reprises avec son ami David Bettoni, son discret adjoint depuis 2014.

Le Real tente de forcer le verrou et la frappe supersonique de Gareth Bale (100ème) est contrée de justesse par l’arrière-garde des Colchoneros. Antoine Griezmann, lui, épate vainement la galerie en réalisant un retourné acrobatique (105e). A la pause, les joueurs s’étirent alors qu’apparaissent les premières crampes. Epuisé, l’arrière de l’Atlético Felipe Luis cède sa place au prodige français Lucas Hernandez, 20 ans. Idem pour Koke, suppléé par le Ghanéen Thomas Partey. En fin de prolongations, le Merengue Lucas Vazquez pense offrir la victoire à sa formation mais sa frappe est repoussée par un pied adverse. L’arbitre ouvre alors la séance des tirs au but sous le regard dépité de Zidane.

Chaque entraîneur consulte ses joueurs pour savoir qui, parmi eux, a encore la force de frapper. Le Merengue Lucas Vazquez transforme son penalty. Il est imité par Antoine Griezmann. A l’instar du Brésilien Marcelo, Gabi, le capitaine de l’Atlético, marque en finesse. Gareth Bale, Saul Niguez et Sergio Ramos ne tremblent pas. Juanfran, lui, expédie le ballon sur le poteau gauche. Il n’en faut pas plus pour Cristiano Ronaldo qui offre la victoire à sa formation.

Apothéose pour Zidane

Le sacre du Real s’apparente à une apothéose pour l’apprenti Zidane, qui, cinq mois après son intronisation, décroche le plus prestigieux des trophées européens. Lui qui a gravi tous les échelons du Real, devenant tour à tour directeur sportif, conseiller zélé du président du Real Florentino Pérez, adjoint de Carlo Ancelotti (2013/2014), puis entraîneur de l’équipe réserve. A 44 ans, Zidane devient le premier français à remporter la Ligue des champions comme joueur (en 2002, avec le Real) puis comme entraîneur.

Avant lui, seul son compatriote Helenio Herrera, vainqueur avec l’Inter Milan en 1964 et 1965, avait réussi à glaner le trophée sur un banc de touche. Sous contrat avec le Real jusqu’en 2018, « Zizou » fait une entrée fracassante dans la sphère des entraîneurs de haut niveau. Le surdoué rejoint les illustres Miguel Munoz, Giovanni Trapattoni, Johan Cruyff, Carlo Ancelotti, Frank Rijkaard et Pep Guardiola au panthéon des techniciens qui ont raflé la Ligue des champions après l’avoir remporté comme joueur.

Ligue des champions : Le mystère Zidane