Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, à la plateforme pétrochimique de Lavéra, à Martigues (Bouches-du-Rhône), le 11 juin. | BERTRAND LANGLOIS / AFP

Baroud d’honneur ou rebond de la fronde ? A la veille de la manifestation nationale, mardi 14 juin, à Paris, organisée par les sept organisations syndicales – CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL – qui demandent le retrait de la loi travail, Philippe Martinez a mis la barre très haut. Dans Le Parisien du 11 juin, le secrétaire général de la CGT veut faire « plus fort que le 31 mars », journée qui a constitué le pic de la mobilisation, avec 1,2 million de manifestants à travers la France, selon les syndicats, et 390 000, selon la police.

La centrale promet un 14 juin « énorme ». Pour démentir ceux qui spéculent sur un essoufflement de la contestation, observé dans la plupart des secteurs où des actions ont été engagées, M. Martinez veut faire la démonstration d’une mobilisation « comme nous n’en n’avons jamais connu » depuis février.

La CGT a fait le maximum pour mobiliser ses troupes, même si elle reconnaît qu’elle a « un problème avec les patrons de compagnies de cars, qui ne veulent pas mettre de véhicules à disposition pour les manifs ». La mobilisation s’annonce forte même s’il y a peu de chances qu’elle atteigne les niveaux de la fronde de 2010 contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy où on avait compté, dans les dix manifestations organisées par tous les syndicats, entre 1 million et 3,5 millions de manifestants, selon les organisateurs, et entre 375 000 et 1,23 million, selon la police. La volonté affichée par les contestataires de ne pas perturber l’Euro de football pèse. « Je ne suis pas sûr que bloquer l’accès au stade pour les supporteurs soit la meilleure image qu’on puisse donner de la CGT », a déclaré M. Martinez, le 9 juin.

Clivage CGT-CFDT

Devant le trouble suscité par ses propos, M. Martinez a fait diffuser, le 10 juin, une note aux organisations de la CGT pour dénoncer « les manœuvres et provocations, tant gouvernementales que patronales ». « Ceux qui ternissent l’image de la France, souligne cette note que Le Monde s’est procurée, sont ceux qui, depuis des mois, refusent d’écouter les salariés et l’opinion publique. (…) Par son obstination et ses calculs politiciens, [le gouvernement] porte l’entière responsabilité de la situation que connaît le pays. Non, le mouvement ne faiblit pas et notre détermination reste la même. »

La crise accentue le clivage entre la CGT et la CFDT. « Nous assistons à un jeu de rôle où chacun prétend montrer ses muscles, a déclaré Laurent Berger dans Le Journal du dimanche du 12 juin. Il y a d’un côté un gouvernement en difficulté, et de l’autre une organisation syndicale qui a voulu refaire son unité. » Pour le secrétaire général de la CFDT, « le projet de loi préconise le dialogue, mais il hystérise la société. Pierre Gattaz [président du Medef] y est autant opposé que la CGT. La méthode fut très mauvaise, elle n’a pas permis de donner le sens du projet ». M. Berger fustige des blocages venant de « salariés et d’agents qui ne sont pas concernés par le projet de loi. Il ne faut pas non plus accepter la dérive de mouvements d’extrême gauche, qui saccagent les locaux de la CFDT ou insultent des salariés ».

Deux autres manifestations prévues

Comme si elles n’imaginaient pas que le 14 juin fasse reculer un gouvernement qui affiche son inflexibilité et n’entend pas retirer la loi travail – ou même suspendre le débat parlementaire pour renvoyer la balle aux acteurs sociaux comme l’a demandé François Hommeril, le nouveau président de la CFE-CGC, qui a ainsi rompu avec le camp des réformistes –, les sept organisations contestataires ont déjà programmé deux nouvelles journées d’actions les 23 et 28 juin. Mais, sur fond de mise en veilleuse des actions en cours, des tractations sont engagées pour trouver une porte de sortie avant que le débat revienne à l’Assemblée nationale, début juillet.

Les « sept » n’ont reçu aucune réponse de François Hollande à qui elles ont demandé un entretien afin de lui remettre les résultats de la « votation citoyenne » engagée dans les entreprises. Mais M. Martinez doit être reçu, pour la première fois depuis le début de la contestation, par Myriam El Khomri, vendredi 17 juin. A l’issue d’un entretien, le 10 juin, avec la ministre du travail, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, a jugé Mme El Khomri « plus attentive » à ses propositions visant à faire en sorte que l’article 2, qui privilégie la négociation d’entreprise sur le temps de travail, ne consacre pas une inversion de la hiérarchie des normes, alors que, jusqu’alors, « le gouvernement ne voulait pas bouger ». Mais le leader de FO, dont le syndicat a du mal à être visible derrière la CGT, a prévenu : « On ne lâchera pas. »