Le projet de loi travail, « une loi de progrès utile à notre pays », « ne sera pas retiré », assure François Hollande dans un entretien à paraître mardi 31 mai dans le quotidien Sud Ouest.

L’article 2 – le plus contesté –, qui consacre la primauté de l’accord d’entreprise sur la convention de branche en matière d’aménagement du temps de travail, « prévoit que l’accord d’entreprise, pour être valide, devra être approuvé par les syndicats qui représentent une majorité de salariés. C’est un verrou très sérieux », estime le chef de l’Etat. « La philosophie et les principes » de l’article seront maintenus, ajoute-t-il.

Quant au projet de loi, « ce texte assure de meilleures performances pour les entreprises et offre des droits nouveaux aux salariés. C’est parce que c’est une loi de progrès utile à notre pays que je considère qu’il est nécessaire de le mener jusqu’à son terme », souligne-t-il.

De son côté, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a assuré, sur RTL, ne plus vouloir « faire sauter » l’article 2, lors d’un débat avec son homologue de la CFDT, Laurent Berger, sur le projet de loi travail. Il a affirmé qu’il n’y avait « aucun préalable pour retourner à la table des négociations » : « La balle est dans le camp du gouvernement. »

  • « Terroristes » contre « abruti », noms d’oiseaux autour de M. Gattaz

Mais, à l’orée d’une nouvelle semaine de mobilisation, ce sont les propos tenus par le président du Medef, Pierre Gattaz, dans un entretien accordé au Monde, qui ont marqué la journée du lundi.

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a jugé « scandaleux » les propos de M. Gattaz, et a estimé que les syndicalistes CGT se comportaient « un peu comme des voyous, comme des terroristes ». « Ça peut aller jusqu’à la diffamation, et nous allons regarder ce que nous allons faire par la suite », a poursuivi Philippe Martinez.

Dans son entretien au Monde, le président du Medef a également décrit la CGT comme un syndicat à la « dérive », qui « se radicalise, se politise ». « Pour moi, le sigle CGT est égal à chômage », a-t-il ajouté. Il a également exhorté le gouvernement à ne pas reculer sur le projet de loi travail, sans quoi le Medef pourrait quitter la table des négociations. Des propos virulents, qui n’ont pas manqué de faire réagir le monde politique.

« Je partage cette idée qu’il faut sortir de l’hystérie collective où tout se dit. Les propos tenus cet après-midi ne sont pas acceptables. Je crois que tout le monde sait ce qu’est un terroriste, malheureusement, dans ce pays, depuis maintenant quelques années, et il ne faut pas confondre les choses », a déclaré le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, lors de son débat avec Philippe Martinez sur RTL.

De son côté, Myriam El Khomri, la ministre du travail, qui porte le projet de loi, a tenté d’apaiser le débat :

« Non, je ne partage absolument pas ces mots de Pierre Gattaz, je n’emploierais absolument pas ces mots. Ce qui est important, c’est que cette réforme est bonne, donc elle doit aller au bout du processus parlementaire. »

Dans son parti, tous n’ont pas eu la même mesure. Le président du Medef est ainsi un « abruti » pour Pascal Cherki, député socialiste de Paris, sur Twitter :

« Maintenant c’est Pierre Gattaz qui s’y met en traitant les militants de la CGT de terroristes. Pauvre type ! Tu es complètement abruti ! »

Le parlementaire a « précisé [sa] pensée » quelques instants plus tard : « Traiter la CGT de terroristes est une insulte à toutes victimes d’attentats en France. »

Dans un communiqué, le PS a finalement dénoncé des « propos inacceptables » :

« Ces propos sont inacceptables dans le dialogue social, comme dans notre République, a fortiori alors qu’elle a été durement éprouvée par des attentats ces derniers mois. Nous exigeons qu’il retire immédiatement ces propos indécents, et présente ses excuses aux partenaires sociaux, ainsi qu’aux victimes du terrorisme et à leurs familles. Nous demandons au gouvernement de condamner fermement les propos inqualifiables de M. Gattaz. »
  • SNCF, traitement des déchets, carburants : les perturbations de mardi

A la SNCF, où de délicates négociations sur le temps de travail des cheminots entrent dans leur phase finale, les trois premiers syndicats (CGT, UNSA et SUD-Rail) ont déposé des préavis de grève reconductibles à partir de mardi soir. Aux motifs internes, la CGT-Cheminots et SUD-Rail ont ajouté l’opposition au projet de loi travail.

Lundi, la CFDT-Cheminots, quatrième force syndicale à la SNCF, a finalement levé son préavis de grève après de nouvelles propositions de la direction dans le cadre des négociations sur l’organisation du travail des cheminots. Il s’agit de la huitième journée de grève depuis début mars au sein du groupe ferroviaire. La CGT-cheminots (premier syndicat) promet « une grosse mobilisation », mais les premières perturbations sont attendues mercredi.

En région parisienne, le mouvement contre la loi travail a aussi gagné, lundi, le secteur du traitement des déchets. Des personnels de la propreté CGT bloquent, depuis la matinée, le centre de traitement des déchets d’Ile-de-France, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). L’appel a été lancé par la CGT d’Ile-de-France. Parmi les éboueurs qui bloquent le site, « une minorité est issue des agents de la ville », observe Mao Peninou, adjoint chargé de la propreté à la ville de Paris.

La situation s’est améliorée en ce qui concerne les carburants, avec le déblocage de la quasi-totalité des dépôts pétroliers, mais des perturbations perdurent. Sur les huit raffineries françaises, quatre sont toujours à l’arrêt et deux en débit réduit.

  • Manuel Valls reste en France

Manuel Valls a pour sa part décidé d’annuler un voyage officiel au Canada et à Saint-Pierre-et-Miquelon, prévu du 15 au 19 juin, afin de gérer, notamment, les suites du projet contesté de loi travail, a-t-on appris lundi auprès de Matignon. Le voyage est reporté à l’automne, a expliqué Matignon :

« Au regard des événements qui rythmeront le mois de juin, le premier ministre a pris la décision, en accord avec les autorités canadiennes et québécoises, de reporter à l’automne le déplacement qu’il avait envisagé d’effectuer du 15 au 18 juin. Ce report vaut également pour l’étape prévue à Saint-Pierre-et-Miquelon [le 19 juin]. »

Le déplacement du premier ministre, jeudi et vendredi en Grèce, est lui maintenu.

C’est le deuxième voyage du premier ministre reporté du fait du projet de loi travail, après un déplacement prévu en mars en Nouvelle-Calédonie et en Australie, et qui avait finalement eu lieu début mai. Alors qu’il se trouvait la semaine dernière en Israël et dans les territoires palestiniens, des responsables politiques français, dont le candidat à la primaire de la droite Bruno Le Maire, avaient critiqué la présence à l’étranger de Manuel Valls, alors que le conflit social se durcissait en France.