A Alep, en Syrie, le 2 juin. | ABDALRHMAN ISMAIL / REUTERS

Le coup de poker des Syriens, qui ont autorisé à la toute dernière minute les Nations unies et la Croix-Rouge à accéder par la route à douze des dix-neuf localités assiégées actuellement répertoriées, n’aura pas suffi à dissuader les diplomates de plaider pour des parachutages rapides de vivres aux 600 000 civils toujours privés de nourritures et de soins médicaux.

Lors d’une réunion d’urgence du conseil de sécurité, vendredi 3 juin, l’ONU a annoncé qu’elle ferait une demande formelle à Damas dès dimanche pour autoriser un pont aérien et des opérations de largages sur les zones en état de siège pour lesquelles l’accès par voie terrestre n’a pas été autorisé par le régime de Bachar Al-Assad.

Celui-ci avait transmis un peu plus tôt aux Nations unies une liste des localités pouvant recevoir une aide humanitaire complète et celles qui ne recevront qu’une aide partielle composée de médicaments, de fournitures scolaires et de lait maternisé. Les diplomates ont dénoncé « le cynisme » de ces « demi-mesures ». La ville de Daraya dans les faubourgs de la capitale, qui n’a accueilli qu’un convoi d’aides alimentaires depuis 2012 et où vivent encore 8 000 civils affamés, fait partie de ces localités qui ne bénéficieront que d’un soutien restreint.

Largages « bien moins efficaces »

« C’est trop tard et trop peu », a réagi le représentant britannique Matthew Rycroft, qui estime que les largages aériens doivent démarrer le plus rapidement possible puisque le régime n’a pas respecté la date butoir du 1er juin fixée par le Groupe international de soutien à la Syrie pour un accès humanitaire à l’ensemble des villes en état de siège. « Il n’y a pas de négociation possible. C’est une exigence, morale, légale et politique » qui incombe à Damas, a t-il estimé.

L’ONU espère officieusement qu’en accentuant la pression sur le gouvernement de Bachar Al-Assad, celui-ci accepte finalement l’accès de l’aide humanitaire par voie terrestre. Dans le même temps, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé avoir commencé sa planification et à être prêt à des livraisons par voies aériennes si les autorités syriennes l’acceptent. Leur consentement est en effet nécessaire pour de telles opérations et ne pourrait arriver que dimanche, jour ouvré dans le pays.

De l’avis des diplomates et des humanitaires, ces largages représentent de grands risques. Ils sont très chers, dangereux pour les civils et surtout d’une portée beaucoup plus limitée que les livraisons par camion. « Si on se place dans la logique de Damas, l’exécutif pourrait faire un calcul très cynique en autorisant ces largages justement car ils sont bien moins efficaces », estime un diplomate.

Le rôle de la Russie

L’attitude de la Russie, alliée du régime de Bachar Al-Assad, sera décisive. Moscou contrôle une partie du ciel syrien et ce sont des contractants russes qui louent leurs avions et hélicoptères pour les largages aériens. Les Russes sont d’ailleurs déjà à la manœuvre à Deir es-Zor où 110 000 Syriens sont assiégés par les djihadistes de l’Etat islamique.

Lors de la réunion à huis clos du Conseil de sécurité, le représentant de la Russie à l’ONU Vitaly Tchourkine a estimé que Moscou n’était pas contre des ponts aériens et des parachutages de vivres, « s’ils sont efficaces et si la sécurité est assurée ». Mais il a aussi dénoncé « l’instrumentalisation de l’aide humanitaire par des membres du Conseil de sécurité qui l’utilise comme une précondition aux pourparlers de paix ». « C’est immoral », a-t-il estimé.