Manifestation contre la loi travail, sur l’Esplanade des Invalides à Paris, le 14 juin. | OLIVIER LABAN-MATTEI / M.Y.O.P POUR LE MONDE

Le préfet de police a refusé, lundi 20 juin, de valider le parcours Bastille-Nation présenté par les syndicats pour la manifestation contre le projet de loi El Khomri prévue jeudi 23 juin, à Paris, leur expliquant qu’il donnerait seulement son autorisation pour un rassemblement simple, place de la Nation. En brandissant la menace d’une interdiction.

Les autorités mettent en avant les incidents survenus lors des dernières manifestations pour justifier cette décision. Du défilé parisien du 14 juin, restent les images des vitres brisées de l’hôpital Necker et d’une trentaine de magasins. Vingt-huit policiers ont par ailleurs été blessés, dont deux qui ont dû être hospitalisés. Persuadé que les incidents sont mal vus dans l’opinion, l’exécutif veut afficher sa fermeté pour éviter d’être comptable des futurs débordements.

Entre le défilé classique et l’interdiction pure et simple, le rassemblement statique semble l’unique compromis acceptable pour les forces de l’ordre. Il faciliterait l’encadrement de la manifestation, expliquent la préfecture de police et le ministère de l’intérieur. Un cortège long de 4 ou 5 kilomètres nécessite la mobilisation d’un nombre beaucoup plus important de policiers – plusieurs milliers – qu’un simple rassemblement. Sur un défilé, les forces de l’ordre doivent être présentes au point de départ, dès le début de matinée, et à l’arrivée, jusque tard dans la soirée. Sur le parcours, ce sont des dizaines de carrefours qu’il faut sécuriser, des points sensibles à protéger, et autant d’établissements à surveiller pour qu’ils ne soient pas la cible des casseurs.

« Ça a été mal géré »

« Le service d’ordre des syndicats, doublé du déploiement des forces de l’ordre, n’arrive plus à proposer un défilé sécurisé, comme ce fut possible dans le passé », il fallait donc prendre des mesures, assure le ministère de l’intérieur. Une analyse que ne partagent pas forcément les syndicats de police. « Il y a une incompréhension chez les policiers sur la gestion du maintien de l’ordre, a expliqué sur BFM-TV Nicolas Comte, secrétaire général adjoint Unité SGP-Police FO. On a l’impression qu’on n’a pas tout fait pour interpeller les casseurs. » Avant d’ajouter : « Je ne suis pas théoricien du complot, je ne pense pas que ce soit un complot. Je pense que ça a été mal géré. » Il a estimé paradoxal d’interdire une manifestation alors que « nous pensons que tout n’a pas été fait pour faire en sorte qu’elle se déroule bien ».

Pour le délégué du syndicat Alliance, Stanislas Gaudon, la solution du report de la manifestation aurait été préférable. « Le rassemblement statique, effectivement, tombe plutôt mal puisque la compétition de l’Euro 2016 va avoir une petite trêve de deux jours, il aurait été bon d’avoir deux jours de repos pour nos collègues des forces de l’ordre qui sont mobilisés depuis dix-huit mois », a-t-il expliqué, mardi, sur France Info.

Ces manifestations s’inscrivent dans un contexte particulier car les forces de l’ordre sont sursollicitées de toutes parts. La menace terroriste reste à un niveau très élevé, l’Euro de football mobilise plus de 70 000 policiers et gendarmes, les lieux gays sont surveillés depuis l’attentat d’Orlando (Etats-Unis), sans oublier la Fête de la musique, mardi 21 juin.

Le rassemblement statique est la solution qu’avait retenue l’organisation de la Coalition climat 21. Les deux manifestations prévues en amont de la COP21 avaient été interdites par le gouvernement, cinq jours après les attentats meurtriers du 13 novembre. Les rassemblements s’étaient déroulés dans le calme. Si le gouvernement devait interdire le défilé, ce serait une première pour une manifestation syndicale depuis 1958.