L’ancien gouverneur du Katanga et candidat à la présidence de la RDC, Moïse Katumbi, est désormais formellement « inculpé pour recrutement de mercenaires » et visé par un « mandat d’arrêt provisoire », a annoncé au Monde le ministère de l’information congolais, confirmant une information de Jeune Afrique.

L’opposant, présenté comme l’un des principaux rivaux du président Joseph Kabila, a toujours démenti employer des mercenaires ou fomenter une rébellion. Des accusations également balayées par l’ambassade des Etats-Unis à Kinshasa. L’enquête avait été lancée après l’arrestation en avril d’un des gardes du corps américains de l’ex-gouverneur et de plusieurs autres employés.

« Cette décision est tout à fait déconnectée de la situation politique. Ce n’est pas parce qu’il y a une élection dans un an (sic) que l’Etat de droit va cesser de fonctionner, assure le ministre de l’information Lambert Mende. Les mouvements de M. Katumbi dépendront de la décision de la justice, mais aujourd’hui il n’a plus toute sa liberté. Il ne peut plus voyager, ni sortir du territoire sans l’autorisation du parquet. La machine américaine a déjà tué Lumumba. Leurs menaces ne nous impressionnent plus. »

Longtemps membre du parti du président et intime de son ancien conseiller Augustin Katumba Mwanke, Moïse Katumbi est dans le viseur des durs du pouvoir depuis des mois. Plusieurs de ses proches, dont son ancien directeur de cabinet, ont été arrêtés en avril et mai à Lubumbashi, la capitale du Haut-Katanga. Alors qu’il se rendait au tribunal avec ses partisans pour être entendu sur le prétendu recrutement de mercenaires étrangers, il a lui-même essuyé des tirs de gaz lacrymogènes. Des images le montrant allongé sur un lit d’hôpital ont circulé sur les réseaux sociaux vendredi.

« Si j’avais des choses à cacher, je fuirais, confiait-il récemment au Monde Afrique. On dit que j’ai recruté des mercenaires, mais ce n’est pas à Washington qu’on recrute des mercenaires… Si j’avais dû entrer dans la rébellion, je l’aurais fait quand j’étais en exil, entre 1997 et 2003. Pourquoi je ne l’ai pas fait ? Parce que je suis un homme qui croit dans la paix et dans le processus démocratique. Je ne vais pas prendre les armes cinq mois avant les élections. Pour réfléchir comme ça, il faut être un malade mental. Je préfère encore aller en prison. Mandela était en prison, Gandhi était en prison. Ma cause est juste. Les vrais rebelles, ce sont les gens qui veulent changer la Constitution. »

Marches de protestation

Peu après l’annonce de l’inculpation, les policiers, déployés en nombre à Lubumbashi depuis quelques semaines, ont renforcé leurs positions. Selon un habitant, des jeunes sont en train de converger vers le centre-ville : « La tension monte, Lubumbashi est en panique ».

L’opposition, mobilisée contre un report de la présidentielle prévue le 27 novembre, a appelé à de grandes marches de protestation à travers le pays jeudi 26 mai. Elle dénonce l’avis de la Cour constitutionnelle autorisant Joseph Kabila à se maintenir au pouvoir tant qu’un nouveau président n’a pas pris ses fonctions.

Selon la Commission électorale nationale indépendante, la présidentielle et les élections locales pourraient accuser un retard de quatorze à seize mois. Le temps, se défend l’institution, de trouver des financements et de revoir le fichier électoral de 2011 pour y inclure les Congolais ayant depuis atteint l’âge de 18 ans.

Arrivé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père qui avait renversé en 1997 le vieux dictateur Mobutu Sese Seko, Joseph Kabila a été élu président en 2006, puis réélu en 2011 à l’issue d’un scrutin entaché de fraudes massives. Contrairement au Rwandais Paul Kagamé ou au Congolais Denis Sassou-Nguesso, il n’a pas pu reformer la Constitution pour pouvoir prétendre à un troisième mandat.