« Le temps de la création artistique n’est pas celui des financiers », lâche Patrick Zelnik, qui a obtenu le 9 juin la mise en redressement judiciaire de son label musical indépendant Naïve. Célèbre pour avoir déniché Carla Bruni ou Benjamin Biolay, le fleuron français des indépendants de l’industrie musicale rencontre depuis plusieurs mois des difficultés économiques, que son fondateur attribue notamment à un contexte « hostile ».

Avec un chiffre d’affaires annuel de 15 millions d’euros, soit seulement 3,5 % du marché global du disque en France, l’entreprise a du mal à affronter les géants du secteur, dotés de moyens plus importants et engagés ces dernières années dans un mouvement de concentration. « En vingt ans, nous sommes passés de six à trois majors », regrette M. Zelnik. Celles-ci s’octroient aujourd’hui les trois quarts des ventes de musique dans l’Hexagone, laissant les indépendants se partager le reste.

Déclin rapide du physique

Sur le fond, l’ex-patron de Virgin en France n’est pas très optimiste quant à l’avenir des labels indépendants. « Avec les géants de l’Internet, qui utilisent la musique comme un produit d’appel, quitte à le déprécier à la manière de la grande distribution naguère, j’émets de sérieux doutes que le streaming soit l’avenir de l’industrie musicale », se désole-t-il, avant d’ajouter : « Nous sommes victime comme d’autres du déclin rapide du physique [les ventes de CD], que l’augmentation rapide du téléchargement légal et du streaming ne permet pas de compenser ! »

« Les banques ne jouent pas toujours le rôle d’accompagnateur de croissance d’une PME comme Naïve », dénonce également M. Zelnik, confronté depuis plusieurs années à des difficultés pour se financer. Produire de jeunes talents comme Jeanne Added, sa dernière perle rare, une chanteuse rock atypique passée par le Conservatoire de musique de Paris et la Royal Academy of Music de Londres, prend du temps… et de l’argent, explique le découvreur. Aujourd’hui, le label représente 25 % de la musique classique, avec notamment Fazil Say. Il a aussi pris sous son aile M83 et produit Arno. « Ce modèle économique basé sur la diversité est pénalisé », analyse Patrick Zelnik.

Pour autant, le fondateur de Naïve assure que son label n’est pas menacé. « On connaît déjà l’acquéreur qui va investir chez nous, il n’y aura pas d’appel d’offres, assure-t-il. Mais tant que ce n’est pas fait, je ne peux rien dire, sauf que ce n’est pas une major. Et Naïve restera indépendant, je vais conserver 77 % du capital et des droits de vote », conclut-t-il. L’identité du repreneur sera annoncée d’ici deux à trois semaines, promet M. Zelnik.