Sur le stand Nintendo au salon du jeu vidéo de Los Angeles, mardi 14 juin. | FREDERIC J. BROWN / AFP

« La conférence de Sony était la meilleure, c’était la ­conférence parfaite pour finir. » Ces propos d’un journaliste de la Web TV spécialisée Nolife sont éloquents. Car en pratique, Sony n’était pas le dernier éditeur à tenir une présentation pour l’Electronic Entertainment Exposition (E3), le salon du jeu vidéo qui se tient du 14 au 16 juin à Los Angeles : c’est Nintendo qui s’en est chargé, dans l’indifférence quasi-générale.

Il faut dire que le constructeur japonais, qui il y a encore cinq ans annonçait en fanfare sa dernière console, la Wii U, a réduit la voilure année après année, passant à une simple session de jeu filmée et retransmise sur les plates-formes vidéo cette année. Sans strass, sans budget, sans annonces.

Un « tout nouveau concept »

Nintendo avait prévenu. La NX, nom de code de la mystérieuse future console du constructeur, « ne sera pas présente à l’E3 », avait mis en garde dès avril le président intérimaire de la firme, Tatsumi Kimishima. À l’occasion de la publication de ses résultats financiers 2015-2016, le constructeur de la Wii et de la 3DS avait d’ailleurs dû alerter ses investisseurs que la prochaine console de la firme ne serait pas non plus sous les sapins à Noël, mais en mars 2017. Un « tout nouveau concept », voilà la seule promesse que M. Kimishima s’était résolu à formuler.

Faute de nouvelle console, ce mardi 14 juin au matin, Nintendo a longuement présenté Pokémon Soleil et Lune, les deux nouvelles éditions de sa lucrative ­série, et surtout The Legend of Zelda : Breath of the Wild, le très attendu nouvel épisode d’une saga mythique dans l’industrie du jeu vidéo. Esthétique dans la veine du studio Ghibli, larges plaines ouvertes aux quatre vents, et un monde d’Hyrule qui s’offre tel un terrain de jeu sur plusieurs hectares… le jeu est d’ores et déjà présenté par ­Reginald Fils-Aimé, le directeur de Nintendo of America, comme « le plus grand jamais conçu » dans l’histoire de la série.

Culte du produit abouti

Cette nouvelle aventure revêt une importance stratégique pour Nintendo. C’est pour laisser aux équipes de développement le temps d’aboutir à la production la plus aboutie que la date de sortie de la NX a été repoussée. Si The Legend of Zelda : Breath of the Wildsortira également sur Wii U, machine pour laquelle il a été ­annoncé dès 2014, il a surtout le statut de titre de lancement pour la future console de la marque.

Le culte du produit abouti est profondément ancré dans l’entreprise. Sur Twitter, le compte officiel japonais de Nintendo a expliqué que la date de commercialisation de The Legend of Zelda avait été reportée « afin d’améliorer sa qualité », un argument que la firme avait déjà brandi en 1995 pour justifier le report de ­Super Mario 64 et de la console ­Nintendo 64.

« Le responsable du projet avait demandé deux mois de plus et je les lui ai donnés sans mettre de conditions. Mario 64 est notre porte-drapeau. Si ne serait-ce que 10 utilisateurs sur 100 n’en sont pas satisfaits, ce serait un désastre », expliquait déjà à l’époque Hiroshi Yamauchi, ­président de Nintendo jusqu’en 2002.

En outre, la société doit faire face à la désertion de nombreux éditeurs tiers, la laissant assumer presque seule le développement d’un catalogue de jeux pour sa ­future console – et ce alors même qu’avec l’augmentation de la puissance, le temps de gestation et les effectifs nécessaires n’ont ­jamais été aussi élevés. Conscient de son isolement et de ses besoins en ressources, l’ancien président Satoru Iwata, décédé en juillet 2015, avait inauguré dès 2014 un tout nouvel immeuble pour accueillir les nouvelles ­équipes de développement de Nintendo, et étoffer les effectifs de la firme. Ceux-ci sont passés de 4 400 en 2010 à 5 200 quatre ans plus tard.

Les temps sont durs

La société japonaise, longtemps réfractaire au mobile, a, par ailleurs, annoncé la sortie sur smartphones de deux de ses ­séries phares, la simulation de vie champêtre Animal Crossing et le jeu de stratégie chevaleresqueFire Emblem. Nintendo a aussi donné des chiffres pour ­Miitomo, son réseau social animé : 10 millions d’utilisateurs depuis le lancement en mars.

Mais pour l’entreprise, les temps sont durs. Le chiffre d’affaires est en baisse de 8,2 % à 504 milliards de yens (4 milliards d’euros). Ce résultat était attendu, considérant les mauvaises ventes de la Wii U (seulement 3,3 millions d’unités vendues dans le monde en 2015-2016) et l’arrivée en fin de cycle de la Nintendo 3DS, dont la distribution est en chute de 22 %. Ces mauvaises nouvelles ont toutefois été partiellement amorties par le succès des Amiibo, ces figurines connectées à collectionner, dont le nombre d’unités écoulées dépasse désormais les 35 millions, et sur lesquelles, aux côtés de Pokémon, l’entreprise entend capitaliser d’ici à la sortie de la NX. Pour le constructeur nippon, l’année 2016 sera encore longue.

Les chiffres

4,2 milliards

C’est, en euros, le chiffre d’affaires de la société nipponne pour l’année 2015

60 millions

C’est le nombre de consoles de la famille 3DS qui ont été vendues dans le monde jusqu’à présent.

3,3 millions

C’est le nombre de consoles Wii U écoulées entre mars 2015 et mars 2016.

35 millions

C’est le nombre de figurines connectées Amiibo vendues depuis leur lancement, en 2014.