Deux armées se font face dans « Total War : Warhammer ». | capture d'écran

En formation serrée, ils préparent leurs hallebardes. Derrière eux, deux régiments d’arquebusiers se tiennent prêts à faire feu, tandis que deux unités de mortiers pilonnent les positions adverses. La routine pour tout amateur de la série des « Total War ». Du moins jusqu’à ce qu’un géant fasse son entrée, qu’un orc plonge depuis les cieux sur une sorte de dragon gigantesque, et qu’un shaman gobelin lance un sort décisif qui plonge la première ligne dans un désarroi total.

Total War : Warhammer, qui sort ce 24 mai sur PC, a de quoi déboussoler les amateurs de la série. Pour la première fois, les Britanniques de Creative Assembly ont décidé de quitter le cadre historique qui a fait le succès de leurs précédents titres. Fini le Japon médiéval ou l’Antiquité, exit le Moyen-Âge et le XVIIIe siècle. Au risque de perdre ses habitués, le studio a décidé d’entraîner les joueurs dans un monde heroic fantasy jusqu’au bout des griffes, où s’affrontent, dans une ambiance crépusculaire, humains, nains, morts-vivants, forces démoniaques et orcs. Un choix qui s’explique par le fait que Creative Assembly a mis la main sur l’une des licences les plus connues des amateurs du genre : celle de Warhammer Battle, le jeu de société édité par le vénérable Games Workshop depuis près de quarante ans.

Creative Assembly, candidat parfait

Car, pour toute une génération, le nom de Warhammer est avant tout celui d’un jeu de plateau se déroulant dans un univers riche, mélange foutraque entre le Seigneur des anneaux de Tolkien, le jeu de rôle Donjons et dragons et les films d’action des années 1980. Concrètement, chaque joueur collectionne et peint des figurines avant d’affronter son adversaire à coups de dés. Derrière ce hobby, une entreprise nommée Games Workshop, connue pour ses prix prohibitifs et le contrôle sourcilleux de ses distributeurs. Une pratique qui lui a permis de dominer sans partage ce petit secteur lucratif, lui rapportant non loin de 120 millions de livres (155 millions d’euros) en 2015.

Une bataille du jeu de plateau Warhammer Battle. | RedCraig / Creative Commons

Or, au tournant des années 2000, la popularité du géant anglais a commencé à s’effriter. Afin d’étendre sa notoriété, la firme a donc distribué généreusement ses licences à des studios de jeux vidéo. Depuis 2006, une quinzaine de jeux se sont déroulés dans son univers de fantasy. Le résultat est parfois intéressant (Vermintide), souvent très moyen (Warhammer : Mark of Chaos), quand il ne frise pas la catastrophe commerciale (Warhammer Online : Age of Reckoning). C’est dans ce paysage pas franchement reluisant qu’arrive Creative Assembly. Mais contrairement à ses prédécesseurs, il s’agit d’un studio de premier plan, qui s’est forgé une solide réputation dans les batailles en temps réel. A priori, un candidat parfait pour donner vie au bébé de Games Workshop.

Fidèle aux fondamentaux

Pour Total War : Warhammer, Creative Assembly est resté fidèle à ses fondamentaux. Comme dans tous ses titres précédents, le jeu est divisé en deux parties. La première se joue sur une carte stratégique, où le joueur agrandit son territoire, déplace ses armées et administre ses villes au tour par tour, sur le modèle d’un Civilization. La seconde se joue lorsque deux armées se rencontrent. Le jeu bascule alors sur une interface de bataille en temps réel, où les prouesses guerrières comptent moins que la topographie et le déploiement intelligent de ses troupes.

La carte stratégique de « Total War : Warhammer ». | capture d'écran

Mais cette fois, ces mécaniques rodées sont habillées par un univers permettant beaucoup plus de variété qu’à l’accoutumé. Dans Rome II, jouer avec Athènes ou incarner Sparte ne changeait pas fondamentalement la donne. Dans Total War : Warhammer, chaque faction dispose d’unités, de bâtiments et d’objectifs qui ne se ressemblent en rien. A l’artillerie, à l’infanterie et à la cavalerie vient s’ajouter tout un bestiaire monstrueux de trolls, de géants, de vampires ou de dragons qui apporte une variété tactique indéniable durant les batailles. La magie fait elle aussi son apparition, et chaque armée pourra compter sur une palanquée de sorts pour faire pencher la balance en sa faveur au moment crucial. Les héros, enfin, font leur apparition, et certains ont même droit à des missions facultatives pour leur permettre d’acquérir des objets magiques particulièrement puissants.

Des vargheist, monstres ailés morts-vivants, fondent sur les lignes impériales. Les unités ailées sont une nouveauté pour les « Total War ». | capture d'écran

Ensemble convaincant

Le problème, c’est que cette volonté de proposer autre chose qu’un traditionnel jeu « Total War » se heurte à la rigueur qu’exigent les mécaniques de la série. S’il est séduisant d’envoyer l’empereur humain Karl Franz récupérer son marteau enchanté, il est beaucoup plus problématique de mobiliser son principal général pendant une vingtaine de tours pour l’envoyer à l’autre bout du monde. Dans un jeu où chaque dépense compte, où chaque déplacement doit être mûrement réfléchi, ces options demandent des sacrifices trop importants qui risquent d’être boudés par les amateurs de stratégie.

Surtout, plutôt que de chercher à équilibrer la gestion stratégique et les batailles, Total War : Warhammer semble avoir décidé de privilégier délibérément les secondes. À côté de la richesse tactique renouvelée par le bestiaire, les sorts et les héros, la carte stratégique est reléguée au second rôle. Diplomatie anémique, progression technologique insipide : plus que jamais dans un « Total War », la gestion des empires n’est là que pour fournir continuellement des troupes aux armées. Un aspect d’autant plus lassant que les unités les plus intéressantes viennent tard, contraignant le joueur à aligner les batailles pendant de nombreuses heures en attendant l’arrivée de son canon feu d’enfer ou de son tank à vapeur.

Les lanceurs de sort permettent de renouveler un peu une mécanique de bataille parfois trop répétitive. | capture d'écran

L’ensemble n’en reste pas moins convaincant. Loin de se laisser dépasser par un genre qu’il n’avait encore jamais abordé, Creative Assembly parvient à rompre la monotonie confortable qui se dégageait parfois de ses jeux au profit d’affrontements plus imprévisibles et d’armées plus versatiles. La mécanique bien huilée est toujours là, les boules de feu en plus. La preuve par l’exemple que ne pas toujours enchaîner les suites a parfois du bon.

On a aimé :

  • La diversité des factions
  • La richesse tactique des batailles
  • Le fait de ne pas devoir peindre 400 gobelins un par un

On a moins aimé :

  • La gestion stratégique un peu morne
  • Le principe des missions, trop exigeant
  • Ne plus pouvoir pinailler sur des points de règle pendant trois heures avec son adversaire

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous avez soif d’affrontements épiques
  • Vous aimeriez voir plus de dragons dans Game of Thrones
  • Vous regrettez que votre armée de nains dorme dans son carton

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous privilégiez les victoires pacifiques lorsque vous jouez à Civilization
  • Vous avez aimé peindre 400 gobelins un par un
  • Vous pensez encore pouvoir rentabiliser l’achat de votre tank à vapeur

La note de Pixels : 752 sur 1 000 points d’armée