Un thon Albacore dans une criée de Sydney. | PETER PARKS / AFP

Les pays pêcheurs de thons tropicaux – ceux que l’on consomme dans les très populaires boîtes de conserve – ne sont pas prêts à alléger leur pression sur l’océan Indien. C’est ce qui ressort des maigres mesures qu’ils ont arrêtées, le 27 mai, dans le cadre de la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI), après une semaine de discussions intenses, à Saint-Denis-de-la-Réunion. Cette organisation internationale est pourtant chargée « d’assurer la conservation des stocks de poissons et d’encourager le développement durable des pêches » auprès de ses 32 membres.

Les experts du comité scientifique qui la conseillent ont prévenu il y a quelques mois : au rythme actuel, l’albacore (appelé aussi thon jaune), massivement surexploité, pourrait atteindre un point de non-retour dès 2017, tandis que le listao ne se porte pas bien non plus. Officiellement, la CTOI a conclu à la nécessité de réduire les captures des thons tropicaux de 15 % dans cette partie du monde. Mais celles-ci n’étant pas régies par des quotas (à la différence du fameux thon rouge de Méditerranée), on ne connaît pas les volumes exacts pêchés par les palangriers, les senneurs, les artisans côtiers… On voit donc mal selon quelle répartition l’effort de réduction pourrait s’appliquer.

Quant à l’utilisation de dispositifs de concentration de poissons (DCP) – une technique de pêche bon marché et redoutablement efficace –, elle a une fois encore donné lieu à des négociations tendues. Après avoir daigné limiter à 550 le nombre maximal de DCP gérés par chacun de leurs navires thoniers en 2015, les armateurs espagnols ont cette fois accepté de réduire à 420 ces engins qui se multiplient à la surface de l’océan. Les thoniers français se sont imposés à eux-mêmes dès 2012 de ne pas dépasser 200 DCP par bateau. Par anticipation, les membres de la CTOI ont prévu de proscrire hélicoptères et drones pour traquer les bancs de thons.

De nombreuses autres suggestions comme l’interdiction du transbordement de cargaisons en pleine mer, ont été débattues, avant d’être écartées. Ni la mobilisation de plusieurs ONG internationales, ni celle de nombreux industriels du secteur – notamment des enseignes françaises de la grande distribution – appelant à réduire de 20 % les captures d’albacore dans l’océan Indien, n’ont suffi à convaincre les membres de la CTOI de réagir en adéquation avec l’urgence de la situation.

« Il ne faut pas s’attendre à ce que la situation évolue rapidement dans une instance où les résolutions sont adoptées par consensus, explique François Chartier, chargé de campagne pour les océans à Greenpeace. Beaucoup de propositions se sont exprimées comme la remise en cause des super-thoniers espagnols, un début d’organisation des Etats côtiers africains… » Le militant était il y a peu à bord de l’Esperanza, l’un des navires de Greenpeace, pour mener la campagne sur le thon tropical, entre le canal du Mozambique et les Seychelles. L’Esperanza doit achever son expédition dans la soirée du 31 mai, à Madagascar, avec quelques dizaines de DCP bien rangés sur son pont arrière.

Le 29 mai, l’équipage est allé à la rencontre de l’Explorer II, un navire de soutien travaillant dans les eaux des Seychelles avec les thoniers du groupe espagnol Albacora, pour lui signifier l’illégalité de ses pratiques. Quelques jours plus tôt, les militants l’avaient en effet croisé de nuit, illuminé de dizaines de projecteurs halogènes pointés vers l’eau. Stationnant au-dessus d’une chaîne de monts sous-marins nommée Coco de mer, l’Explorer II servait alors lui-même de DCP géant. Depuis 2015, il est interdit d’éclairer les DCP, une technique qui attire les poissons.

Greenpeace n’a pas ménagé sa peine à la veille des rencontres des pays membres de la CTOI. Pendant le week-end du 21 et du 22 mai, ses membres ont vidé les rayons de plusieurs supermarchés français de leurs conserves de thon Petit Navire. Le 23 mai, tôt le matin, 25 militants sont allés bloquer les accès de la conserverie de Douarnenez (Finistère). Français, Britanniques et Italiens sont restés enchaînés les uns aux autres une journée pour attirer, une fois encore, l’attention sur les marques mises en boîte à Douarnenez – Petit Navire, John West et Mare Blue, qui appartiennent au géant du secteur, le groupe Thai Union, et sur les problèmes de la surpêche.