Une voiture de police en feu à Paris le 18 mai. | CYRIELLE SICARD / AFP

Mais qui donc s’est fait passer pour Kevin Philippy, le policier agressé en marge de la manifestation contre « la haine anti-flics », au micro de Marc-Olivier Fogiel, sur RTL, lundi 23 mai ? C’est la question à laquelle les enquêteurs de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne vont tenter de répondre. Le gardien de la paix de 29 ans, décoré par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve samedi 21 mai, ne s’est jamais exprimé officiellement. Mercredi 25, l’adjoint de sécurité a déposé plainte contre X pour usurpation d’identité.

Avant d’émettre elle-même des doutes sur l’authenticité de l’interview, la radio avait diffusé, lundi, plusieurs extraits de l’entretien réalisé par Marc-Olivier Fogiel. Des propos exclusifs, et donc largement relayés. L’homme assurant être M. Philippy expliquait n’avoir « aucune haine » contre ceux qui avaient incendié la voiture de fonction dans laquelle il se trouvait avec une collègue. Des faits pour lesquels quatre hommes de 18 à 32 ans ont été mis en examen pour tentative d’homicide volontaire. « Si j’avais sorti mon arme ou donné des coups, je serais passé du statut de héros à celui de zéro. Je ne serais peut-être pas là pour vous parler, ma carrière aurait pu se terminer », commentait encore l’usurpateur.

Finalement, RTL a publié, lundi après-midi, un communiqué lapidaire annonçant l’annulation du sujet : « Nous devions diffuser, ce lundi 23 mai au soir, le témoignage du policier victime d’agression la semaine dernière en plein Paris. Au cours de la journée, des doutes sur l’authenticité de ce témoignage sont apparus. »

En réalité, quelques heures plus tôt, le vrai Kevin Philippy avait alerté son syndicat, Alliance, un peu étonné de s’entendre sur les ondes, lui qui avait décliné toutes les demandes d’interviews… Selon des proches, le gardien de la paix, surnommé « policier kung fu » sur les réseaux sociaux, aurait d’autant plus mal pris l’affaire qu’il est loin d’être aussi indulgent que l’imposteur concernant les agresseurs : « Kevin pense qu’ils méritent d’être condamnés », rapporte l’un de ceux qui l’ont vu ce jour-là.

Manque de prudence

Le syndicat de policiers a aussitôt averti Marc-Olivier Fogiel de sa méprise. Joint par Le Monde, le journaliste explique avoir contacté Kevin Philippy via Twitter dès le 21 mai.

« Il m’a aussitôt répondu, m’a envoyé un numéro de téléphone et une adresse e-mail, et nous avons commencé à discuter par e-mail. Le dimanche matin, il m’a annoncé qu’il était d’accord pour venir à RTL. »

Avant de rappeler et d’expliquer qu’il était « coincé à une heure de Paris, et qu’il préférait faire l’interview par téléphone. Notre entretien enregistré, réalisé dimanche, a duré vingt minutes. Il était extrêmement précis sur les événements, connaissait bien les grades policiers », plaide M. Fogiel. La société des journalistes de RTL n’a pas été saisie, même si certains reprochent au présentateur son manque de prudence.

Mardi, M. Fogiel a recontacté le faux Kevin Philippy, dont l’adresse électronique ressemble à celle du vrai policier, les deux mentionnant le début du code postal de la Martinique, 972. L’usurpateur lui a à nouveau assuré « qu’il était bel et bien le gardien de la paix et qu’il ne comprenait pas ce qui se passait », rapporte le journaliste. Celui-ci a confié à Me Michèle Launay, l’avocate du vrai policier, les éléments dont il dispose.