Dans le box des accusés, la bande des sept copains de Strasbourg est jugée jusqu’au 7 juin pour le même délit : association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme. | BENOIT PEYRUCQ / AFP

« C’est lui. » Bruissements sur les bancs de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, lundi 30 mai. Il vient d’entrer, cheveux gominés et barbe longue. Lui, Karim Mohamed-Aggad, dont le nom de famille est associé aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris après que son frère a été identifié comme l’un des kamikazes du Bataclan.

« Je crois qu’on se trompe de procès, ce n’est pas celui du Bataclan. » Eric Plouvier donne le la de la défense au premier jour du procès de la filière djihadiste de Strasbourg. Les avocats des sept prévenus viennent d’apprendre que l’association des victimes d’actes de terrorisme souhaitait se constituer partie civile. Alors les robes noires s’agitent pour rappeler qu’il n’y a « pas de victime » dans ce dossier, « ni en France, ni à l’étranger ». Qu’ici, on ne juge pas les responsables des attentats. Et que non, aucun d’eux n’a tiré le soir du 13 novembre 2015, tuant 90 personnes dans la salle de concert parisienne.

« Une histoire de foot et de chicha »

Dans le box, la bande des sept copains de Strasbourg est jugée jusqu’au 7 juin pour le même délit : association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme. « Une histoire de foot et de chicha », résume Mokhlès Dahbi à propos de leur amitié, qui les a emmenés d’Alsace en Syrie, en décembre 2013. Ils encourent jusqu’à dix ans de prison pour avoir intégré une filière djihadiste et participé à des entraînements militaires au sein de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui deviendra l’EI.

Tous répètent que leur motivation était « humaine et fraternelle ». S’ils sont partis, c’était par solidarité avec la population syrienne. Pour combattre ou faire de l’humanitaire ? « L’un n’empêche pas l’autre », répond Radouane Taher à la présidente du tribunal. A l’époque, ils étaient trois de plus à passer la frontière. Deux sont morts sur place. Le dernier s’est fait exploser au Bataclan près de trois ans plus tard.

« Ça n’a rien à voir », lance l’avocat Xavier Nogueras, pour qui le mot terrorisme dans le chef d’accusation « excite tout le monde ». L’avocate du « frère de » acquiesce. Les débats sont à peine commencés, et le nom de son client a déjà été cité deux fois. Alors que ses confrères appellent à la sérénité, Françoise Cotta sait qu’elle doit faire face à une difficulté de plus. Alors elle ajoute un vœu à ce qui ressemble déjà à une plaidoirie : « Evitez de faire planer une ombre extrêmement malsaine sur ce procès. »

Mais Karim Mohamed-Aggad sait que Foued a pris place à ses côtés. Alors il choisit d’en parler à demi-mot et de se désolidariser de « ces faits-là ». Après tout, « on choisit ses amis, pas sa famille ». Ce soir-là, il regardait la rencontre France-Allemagne à la télévision – très certainement comme ses « collègues » qui aiment tant le football, devine-t-il. A proximité du même match, au stade de France, deux autres kamikazes du commando du 13 novembre se faisaient exploser. « On voudrait un procès équitable et qu’il n’y ait pas d’amalgame. »

En entrant dans la 16e chambre quelques heures plus tôt, la présidente du tribunal a fait l’appel des prévenus. Sept hommes se sont levés. Pas un de plus. « Il n’y a jamais eu d’autres mis en cause dans ce dossier. Je préfère le rappeler. » Leur procès peut commencer.