Au XVIe siècle, les premiers explorateurs portugais et espagnols tenaient la Californie pour une île. Ils n’avaient pas tort. Isolée du reste des Etats-Unis par les Rocheuses, elle l’est aussi du reste du monde. Aussi loin de l’Europe que de l’Asie, travaillant quand tout le monde dort. Cela n’a pas empêché le « Golden State » de devenir le moteur de la croissance économique américaine et une puissance planétaire.

Le département des finances de l’Etat l’a confirmé, dans son bulletin de juin, en indiquant sobrement que la Californie était devenue la 6e économie mondiale, dépassant la France, avec un produit intérieur brut de 2 400 milliards de dollars (2 116 milliards d’euros) en 2015. Une performance atteinte grâce à une croissance échevelée de 4,1 %, soit deux fois celle des Etats-Unis et presque quatre fois le rythme français. En conséquence, l’Etat a créé, en 2015, près d’un demi-million d’emplois, bien plus que la Floride et le Texas réunis.

Succès spectaculaire

Le succès spectaculaire de ce coin de Pacifique, si loin des seigneurs de Wall Street et des aristocrates de la Nouvelle-Angleterre, est chargé d’enseignements. Le premier est évidemment le poids des nouvelles technologies dans cette performance.

Si les économistes s’arrachent les cheveux à ne point trouver d’effets de la révolution numérique sur la croissance et la productivité de l’économie mondiale, ils sont ici flagrants. Il faut dire que quatre des dix sociétés les plus chères au monde sont situées sur son territoire. Et deux d’entre elles, Google ­(Alphabet) et Facebook, ont moins de vingt ans d’âge. Les sociétés de technologie californiennes ont engrangé 732 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2015, soit la moitié des revenus totaux du secteur aux Etats-Unis.

Economie diversifiée

La Californie est loin d’être le seul pays du logiciel et du cinéma. Elle abrite la première banque du pays en termes de valorisation, des firmes de biotechnologie et de l’industrie manufacturière, et est le premier producteur américain et mondial de nombreux fruits et légumes. Une économie plus diversifiée que celle du Texas, dépendant à 60 % de l’industrie énergétique.

Ce succès n’était pas garanti au départ, et même sérieusement mis en doute, notamment après l’éclatement de la « bulle » Internet de 2002, puis après la crise de 2008. Les critiques ont plu sur un environnement réglementaire jugé envahissant, selon les standards américains, ainsi que sur l’augmentation, décidée en 2012, des impôts locaux sur les hauts revenus, aujourd’hui les plus élevés du pays, quand d’autres Etats, comme le Kansas, baissaient drastiquement les leurs. Rien n’y a fait. L’environnement universitaire, financier, entrepreneurial et intellectuel a joué son rôle d’aimant.

La Californie est entrée dans un cercle vertueux bien difficile à répliquer, même par ses voisins immédiats, mais qui démontre qu’il n’y a de fatalité ni géographique, ni réglementaire, ni fiscale au retour de la croissance.