Gare de Lyon à Paris, le 7 juin pendant une journée de grève de la SNCF. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

« S’il faut utiliser demain les réquisitions, nous le ferons », a lâché Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux transports, vendredi 10 juin sur Europe 1. En pleine mobilisation contre la loi travail, plusieurs secteurs ont reconduit leur grève, et notamment la SNCF, stratégique alors que débute l’Euro de football. Alors que 80 000 supporteurs se déplaceront fréquemment pour voir les matchs, certains transports risquent d’être très perturbés, comme les TER, les TGV et les RER – les lignes B et D de ce dernier desservent notamment le Stade de France.

Pour remettre en marche les trains, le gouvernement s’est dit prêt à utiliser le système des réquisitions qui lui permettrait de trouver du personnel et du matériel pour les gares SNCF ainsi que des chauffeurs pour que les supporteurs puissent se rendre au stade malgré la grève.

« Toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service »

C’est l’article L2215-1 du code général des collectivités territoriales qui donne aux préfets la possibilité de recourir aux réquisitions, mais seulement « en cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige ». Le gouvernement pourrait ainsi considérer qu’une atteinte au bon fonctionnement des transports risquerait de troubler l’ordre public.

Si la situation le rend nécessaire, l’Etat peut en effet « réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ». En somme, cette loi permet, dans des cas extrêmes, de compenser rapidement un manque de personnel ou de moyens dans un domaine. Dans la Loire, le préfet a par exemple autorisé cette semaine le maire de Saint-Etienne à exiger du personnel et du matériel pour endiguer la grève des éboueurs. Pendant le temps de la réquisition, travailleurs, objets (voitures, matériel de construction…) ou même entreprises, selon les besoins, sont au service du représentant de l’Etat qui a obtenu la réquisition.

Ces salariés temporaires sont payés de façon à « compenser les frais matériels, directs et certains résultant de l’application de l’arrêté de réquisition ». Dans le cadre d’une réquisition d’entreprise, « le montant de la rétribution est calculé d’après le prix commercial normal et licite de la prestation ».

Prison et amendes en cas de refus

Le gouvernement pourrait, dès aujourd’hui, choisir de réquisitionner les grévistes en les faisant retourner à leur poste. Ceux qui refuseraient s’exposeraient à des sanctions car « le refus d’exécuter les mesures prescrites par l’autorité requérante constitue un délit qui est puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende ».

L’une des seules limites à cette mesure, hormis le refus du préfet, c’est l’intervention d’un juge administratif. Selon l’article L521-2 du code de justice administrative, si un juge est saisi, il a le pouvoir de casser une décision pour assurer la « sauvegarde d’une liberté fondamentale ». L’Etat pourrait ainsi se faire retoquer la décision de réquisition si, selon un juge, elle n’est pas justifiée au vu de la situation. C’est ce qui était d’ailleurs arrivé à Nicolas Sarkozy en 2010, quand il avait voulu arrêter le blocage des raffineries par le biais de réquisitions de personnel. La justice avait considéré que sa décision allait à l’encontre du droit de grève, jugé comme étant un droit fondamental, et devait être levée.