Manifestation, à Paris, samedi 21 mai, contre la société Monsanto. | JOEL SAGET / AFP

A Bordeaux comme à Paris, ils étaient, samedi 21 mai, quelques milliers à manifester en chantant « Tout le monde déteste Monsanto ». Ce n’est pas tout à fait exact. Il y en a au moins un qui ne déteste pas le semencier américain, c’est le chimiste allemand Bayer, le « tueur d’abeilles », autre bête noire des écologistes. Il vient d’annoncer, lundi 23 mai, qu’il serait prêt à débourser 62 milliards de dollars (55 milliards d’euros) en numéraire pour s’offrir le leader mondial des OGM. L’une des plus importantes OPA à l’étranger de toute l’histoire économique allemande.

Concentration inédite

Voilà deux entreprises – symbole de l’agro-industrie mondialisée – engagées dans une course à la taille qui ne laisse pas de surprendre. Par trois fois depuis 2011, Monsanto a tenté d’avaler son concurrent suisse Syngenta. Coiffé au poteau par le chinois ChemChina, il est immédiatement devenu une proie que tente désormais d’avaler Bayer, un groupe deux fois plus gros que lui, car plus diversifié, notamment dans la pharmacie. Et si l’on ajoute la fusion annoncée en début d’année entre l’américain Dow Chemical et son compatriote DuPont, ce sont près des deux tiers du marché mondial de l’agrochimie et des semences qui pourraient, si ces opérations sont menées à leur terme, tenir dans les mains de trois géants mondiaux.

Cette concentration inédite n’est une bonne nouvelle pour personne. Ni pour les agriculteurs, qui voient leurs principaux fournisseurs former un gigantesque oligopole, ni pour les sociétés intéressées. Car ce mouvement tectonique est la conséquence d’une situation difficile dans le métier. Depuis quelques années, les prix, notamment du maïs, sont en baisse, ce qui influe sur le revenu des agriculteurs et, donc, sur leur pouvoir d’achat. Les chimistes et les semenciers doivent baisser les prix, d’où leur hâte à grossir pour compenser cette perte de rentabilité. Sur le seul premier trimestre, Monsanto a vu ses profits chuter de 30 % et son chiffre d’affaires de 12 %.

Marché en repli

Pour le roi des OGM, l’ambiance n’est pas à l’euphorie. Le groupe se bat en Argentine et en Inde, deux marchés stratégiques, sur le versement de royalties par les agriculteurs. Le dépôt de brevets sur des organismes vivants n’est jamais chose facile. Et, aux Etats-Unis, certains négociants renâclent à acheter du soja OGM, car ils craignent d’avoir du mal à l’exporter en Europe, au regard de législations toujours restrictives. Résultat, en 2015, les surfaces cultivées dans le monde avec les semences de Monsanto ont, pour la première fois, diminué. Sans compter les attaques répétées contre le pesticide vedette du groupe, le Roundup, dont Bayer a sa propre version.

La consolidation, quand elle atteint ces niveaux, est toujours le signe d’un marché en repli, qui cherche, dans l’effet de taille et l’élimination des rivaux, la solution à ses problèmes de croissance, et peut-être de réputation.