La chancelière allemande Angela Merkel avec le président Recep Tayyip Erdogan, au cours d’une table ronde sur « le leadership politique pour prévenir et mettre fin aux conflits », lors du sommet humanitaire mondiale à Istanbul, lundi 23 mai. | Salih Zeki Fazlioglu/AP

Le propos se voulait diplomatique, mais sans équivoque. A l’issue d’un entretien d’une heure avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, lundi 23 mai, à Istanbul, en marge d’un sommet de l’ONU sur les réfugiés, Angela Merkel a fait savoir que la situation politique en Turquie l’inquiétait. « J’ai clairement indiqué que nous avons besoin d’une justice indépendante, de médias indépendants, d’un parlement fort et que la levée de l’immunité d’un quart des députés du parlement turc était source de profonde inquiétude », a résumé la chancelière allemande devant la presse. Signe de ces difficultés : celle-ci s’est exprimée seule. Il n’y a pas eu de conférence de presse commune comme le veut l’usage.

Deux mois après l’accord sur les réfugiés conclu entre l’Union européenne et la Turquie, les contentieux ne cessent de se multiplier entre le président Erdogan et les Européens, notamment les Allemands. Angela Merkel est dans une position inconfortable. Principale inspiratrice, avec le premier ministre turc d’alors, Ahmet Davutoglu, de l’accord de mars qui cantonne les réfugiés en Turquie, avant que celle-ci n’en envoie un certain nombre en Europe, Angela Merkel a particulièrement intérêt à ce que cet accord fonctionne. Sinon, les réfugiés vont à nouveau entrer en Europe et notamment en Allemagne.

Ne pas mettre en danger l’accord avec Ankara

Mais en renvoyant son premier ministre, en révisant la constitution et en muselant la presse et l’opposition, le président Erdogan fait preuve d’« ambitions autocratiques », selon la formule du président du Bundestag, Norbert Lammert (CDU). Et en Allemagne, les critiques se multiplient à l’encontre de la chancelière, accusée de passer cette dérive autocratique sous silence pour ne pas mettre en danger l’accord avec Ankara.

Dimanche 22 mai, Horst Seehofer, président de la CSU bavaroise, a critiqué Angela Merkel, jugeant qu’il ne suffisait pas de se dire « préoccupé » par la situation en Turquie ; il fallait ne pas « subir un chantage ».

Pour ce cinquième déplacement en Turquie depuis octobre 2015, Angela Merkel était donc sous surveillance. Outre ses déclarations plutôt fermes face à Erdogan, Angela Merkel a également indiqué que l’Union européenne n’exempterait pas de visas les citoyens turcs tant qu’Ankara ne remplirait pas les 72 conditions exigées par l’Europe, dont fait partie la réforme de la loi antiterroristes dont ne veut pas entendre parler le président Erdogan. « J’ai clairement dit que le chemin vers l’exemption de visas passe par 72 points », a indiqué Mme Merkel pour qui « il est prévisible que jusqu’au 1er juillet certaines choses ne seront pas mises en œuvre ». Celle-ci a donc appelé à la poursuite des négociations.

Les relations entre Ankara et Berlin ne risquent pas de s’améliorer de sitôt : le 2 juin, le Bundestag doit approuver une résolution condamnant cette fois fermement et explicitement le génocide arménien de 1915.