série documentaire sur Ciné+ Classic à 19 h 50

Le Byrd, à Richmond, en Virginie (Etats-Unis), salle de cinéma construite en 1928, somptueuse, de style rococo. | Kolam

Une très belle série documentaire, imaginée par Joël Farges, retrace l’histoire de quatre cinémas mythiques.

La série documentaire « Cinémas mythiques » (dont nous n’avons pu visionner que trois des quatre volets) s’intéresse à quatre salles : celle, minuscule et austère, de Porvenir, en Terre de Feu (Chili) ; le Lucerna Art déco de Prague (République tchèque) ; le somptueux Byrd de Richmond, en Virginie (Etats-Unis) ; le Thyssion, salle de plein air d’Athènes (Grèce). Mais chaque épisode est en fait l’occasion d’une enquête sur le rôle socioculturel du cinéma.

Le premier d’entre eux est sûrement le plus passionnant, qui retrace l’établissement de la première salle de cinéma en Amérique du Sud. Elle est due à deux immigrants, arrivés en 1913 à Porvenir, en Terre de Feu, le Croate Antonio Radonic et l’Allemand José Bohr, qui songent à égayer les longs hivers australs de cette région désolée.

Grâce aux va-et-vient des baleiniers français, Radonic se rend à Paris, où il avait découvert le cinématographe en 1912. Il y rencontre Charles Pathé et revient bientôt équipé de pellicules vierges et d’une caméra, la Pathé n° 1210. Les deux amis filment d’abord de petits documentaires qu’ils diffusent dans une petite salle installée dans un hôtel.

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Durée : 03:13

Ce sont des courts-métrages sur (et avec) les habitants de la région, dont certains constituent les premiers exemples filmés d’ethnologie. Mais il ne reste presque plus rien des images sur la peuplade Alakaluf, les autochtones de la Terre de Feu, pas plus que de la centaine de petits films de fiction tournés là-bas par Radonic et Bohr.

Déréliction

Radonic restera sur place, accompagnant la déréliction de son cinéma, finalement boudé au profit de la télévision ; Bohr fera carrière de cinéaste à Hollywood. Après des années d’abandon, la mythique salle de Porvenir a été restaurée par les soins du petit-neveu de Radonic, mais demeure comme le témoignage poignant d’un cinéma abandonné au bout du monde.

Le contraste avec les grandes salles que sont le Lucerna de Prague et le Byrd de Richmond est frappant. La salle américaine est construite en 1928, entre le moment où le cinéma muet devient parlant, en 1927, et la crise de 1929. Elle est somptueuse, de style rococo, richement décorée de scènes mythologiques grecques et ornée d’un lustre de deux tonnes et demie en cristal de Tchécoslovaquie. Et elle abrite un grand orgue de cinéma Wurlitzer, qui remonte de la fosse d’orchestre, devant le rideau de scène, et joue les airs à la mode avant la projection et à l’entracte. Il sert aussi à accompagner les films muets de Méliès, dont le Byrd continue de se faire une spécialité.

La salle du Lucerna, à Prague (République tchèque). | DR

Mais contrairement aux Chiliens de Porvenir, les habitants de Richmond ont tout fait pour préserver leur cinéma, qui continue d’afficher des films muets (donnés avec narrateur et accompagnement d’orgue) et accueille un festival annuel de films français.

Il sert même, le dimanche, de lieu de culte. Et comme le dit un pasteur évangéliste : « Nous sommes probablement la seule église au monde à avoir des peintures de femmes nues sur les murs… »

« Cinémas mythiques », de Joël Farges, Jean Achache et Maria Douza (Fr., 2015, 4 × 52 min). Le samedi sur Ciné+ Classic à 19 h 50. Le Cinéma du bout du monde (le 4 juin); Le Byrd de Richmond (le 11 juin); Le Lucerna de Prague (le 18 juin) ; Le Thyssion d’Athènes (le 25 juin).

The Byrd Theatre Pipe Organ Concert Richmond, VA
Durée : 13:09