Après des attaques aériennes sur Alep, le 2 juin. | ABDALRHMAN ISMAIL / REUTERS

La date butoir était fixée au 1er juin. Si, passée cette échéance, le ravitaillement des zones assiégées en Syrie continuait à être entravé, l’acheminement d’aide se ferait par voie aérienne. Ainsi en avait décidé le Groupe international de soutien à la Syrie (GISS), coparrainé par les Etats-Unis et la Russie, lors de sa précédente réunion, le 17 mai à Vienne.

Cette déclaration d’une fermeté inhabituelle visait, sans le nommer, le gouvernement syrien, dont les forces sont responsables de l’immense majorité des cas d’encerclement militaire. Le Programme alimentaire mondial (PAM), l’agence des Nations unies chargée de la lutte contre la faim dans le monde, était censé procéder à ces livraisons « immédiatement » par largages ou ponts aériens. Mais jeudi 2 juin, trente-six heures après son terme, cet ultimatum déguisé semblait déjà se dégonfler. Dans une conférence de presse organisée à Genève, le bureau de l’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, Staffan de Mistura, a déclaré que ces largages n’étaient pas « imminents », le PAM n’ayant « pas encore finalisé ses plans ».

  • L’aide humanitaire, otage du conflit

Selon les décomptes de l’ONU, près de 600 000 Syriens sont privés d’assistance humanitaire, à l’image des habitants de Daraya, une banlieue de Damas assiégée par l’armée syrienne, qui n’ont pas reçu d’aide alimentaire depuis novembre 2012. Des dizaines de décès dus à la faim ont été recensés en Syrie, notamment dans la ville de Madaya, près du Liban.

Outre le défi technique qu’impliquent le parachutage ou l’héliportage de vivres dans ces zones de guerre, la faisabilité de ce type d’opération bute sur le veto programmé de Damas. Durant la conférence de presse, les adjoints de M. de Mistura ont rappelé que le PAM ne trouverait aucune compagnie aérienne prête à se risquer dans le ciel syrien sans le consentement des groupes armés et du gouvernement.

Or, s’il est dans l’intérêt des insurgés de coopérer avec le PAM, il semble improbable que le pouvoir syrien se prête à un tel projet. « Le communiqué du GISS est une menace en l’air, c’est du bluff, pour faire pression sur Damas », confesse un haut responsable humanitaire.

  • Des doutes sur l’efficacité de ponts aériens

Les experts des questions d’aide sont d’autant plus sceptiques que ces opérations aériennes sont coûteuses et d’une portée très limitée. Non seulement parce que les largages peuvent rater leur cible, mais aussi parce que la quantité d’aide susceptible d’être délivrée par les airs est bien plus faible que par la route.

Le contenu d’un largage équivaut à celui d’un petit camion. Dans les milieux humanitaires, on estime que les quarante-quatre parachutages réalisés ces deux derniers mois sur Deir ez-Zor (est) – la seule ville pour laquelle Damas a donné son accord à une telle opération car ses forces y sont assiégées par l’organisation Etat islamique (EI) – représentent un ou deux jours de convoi.

« L’attitude des Nations unies et du GISS est ridicule, réagit Bissam Fakih, membre de The Syria Campaign, un groupe de lobbying pro-opposition. Ils se comportent comme des victimes alors que les gens meurent de faim. S’il est impossible d’utiliser des opérateurs aériens civils pour des raisons de sécurité, alors, que les pays qui mènent déjà des raids aériens en Syrie [Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni] contre l’EI utilisent leurs propres appareils. »

  • Réunion d’urgence de l’ONU

A la demande insistante de Moscou, soucieux de faire retomber la pression sur son allié, le régime Assad a laissé entrer dans Daraya, mercredi, le convoi qu’il avait refoulé à la mi-mai. Cinq camions, à moitié remplis seulement, qui ne contenaient pas de nourriture, mais des vaccins, des médicaments, du lait pour bébé… et des moustiquaires. Selon l’un des organisateurs, les autorités syriennes ont exigé à la dernière minute, comme elles le font souvent, le retrait de la partie la plus utile de la cargaison, en l’occurrence du matériel chirurgical. Jeudi, Damas, s’est engagé dans une lettre transmise à l’ONU à autoriser des convois vers onze des dix-neuf localités recensées comme assiégées en Syrie.

Ces problèmes devaient faire l’objet d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies, vendredi 3 juin. Contre leur homologue russe, qui plaidait la bonne volonté de Damas, les ambassadeurs français et britanniques poussaient, en amont de cette consultation, pour une mise en place des largages au plus vite. Mais davantage qu’à l’ONU, c’est aux pays membres du GISS qu’incombe cette responsabilité. Sans une forme d’escorte militaire, les avions du PAM auront le plus grand mal à secourir les Syriens tenaillés par la faim.

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