Illustration du jeu PC polonais Kopanito All-Star Soccer. | Capture d'écran

En sourdine, FIFA et PES, les deux géants annuels de la simulation de football. A l’occasion de l’Euro 2016, qui se déroule du 10 juin au 10 juillet en France, les nouveaux ambassadeurs du ballon rond en jeu vidéo se nomment Tanks Football 2016, Kopanito World Cup Soccer et Dino Dini’s Kick Off Revival, autant de productions qui chacune à leur manière, rendent hommage au football-champagne en pixels des années 1990.

Nintendo World Cup et ses joueurs sans foi ni loi, en 1990. | Capture d'écran

De Nintendo World Cup en 1990 au mode football de Street Racer en 1994, durant près d’une demi-décennie, les gazons virtuels étaient le théâtre de tacles assassins, de retournés acrobatiques surpuissants, de conduite de balle à la façon d’un coup de queue de billards, d’échanges de matraques à roulette ou encore de charges à l’épaule dévastatrices. Un concentré plus proche du baby foot et du combat de coussins que de la simulation tatillone.

Un trou de presque vingt ans

A l’époque, les géants Konami, Electronic Arts et SEGA ont lancé les premières superproductions du genre : International Superstar Soccer et ses graphismes à la sophistication inédite, FIFA International Soccer et sa retranscription amoureuse de l’ambiance d’une diffusion télé, ou encore Virtual Soccer et les premiers balbutiements du ballon rond en trois dimensions.

« J’aurais pu rivaliser avec eux d’un point de vue artistique, j’y serais arrivé, si seulement on m’avait donné ma chance, regrette aujourd’hui Dino Dini, le créateur de Kick Off. Peut-être que j’aurais eu besoin d’un peu plus de financements. Mais toute l’industrie pensait qu’il fallait aller vers de la 3D, et ce fut une prophétie autoréalisatrice », déplore celui qui est resté doublement attaché à une approche artisanale et une réalisation en deux dimensions.

Le mode football de Street Racer, en 1994. | Capture d'écran

Street Racer, un jeu de kart, est le premier à mettre en scène des matchs de football à quatre roues, avec jets d’électricité et coups de battes. « Ca a été un grand succès pour nous et pour Ubisoft, qui n’était pas encore aussi connu qu’aujourd’hui », se remémore avec affection le concepteur turc Mevlüt Dinç, à l’origine du jeu. Le projet naît de son envie d’exploiter le multitap, un accessoire permettant de brancher quatre manettes à la Super Nintendo, pour livrer un jeu jouable à quatre joueurs – contre deux pour Super Mario Kart. « Le jeu de Nintendo était un modèle absolu, mais nous avions des modes uniques comme le football. Pour moi c’était un jeu de course, de lutte et de sport à la fois », détaille-t-il.

Sa suite, prévue sur PlayStation, ne verra jamais le jour, mettant fin à l’âge d’or des jeux de foot rigolos, foutraques et vachards. Soccer Slam, au début des années 2000, sera l’une des rares exceptions dans ce désert, avant que son équipe canadienne ne passe sous le giron de Nintendo pour donner vie aux Mario Strikers.

Le retour du modèle des années 1990

Après vingt années à dépérir dans les tiroirs poussiéreux et les pages froissées des magazines d’autant, le vieux genre du jeu de football fantaisiste connaît aujourd’hui un spectaculaire renouveau. « Dans les années 1990, le jeu vidéo est devenu soudainement un loisir accessible pour tous. Vingt ans plus tard, les joueurs sont devenus les créateurs », explique Pawel Dizenbiski, la trentaine, game designer de Kopanito All-Stars Soccer, rencontré mi-avril à Poznan en Pologne.

Les supercoups et la surreprésentation du stade viennent de World Cup, de la possibilité de courber la trajectoire du ballon, de Sensible Soccer. L’influence est assumée : « On a lu des livres sur la manière de faire des jeux de foot, on s’est inspiré de Sensible Soccer, World Cup Soccer et de Kick Off. Mais on les a retravaillés au fur et à mesure pour les adapter. »

Dans Kopanito, Nintendo World Cup et Sensible Soccer sont les références assumées. | Capture d'écran

Visuellement, la production polonaise jongle entre l’héritage des années 1990 et la possibilité de s’affranchir des contraintes d’époque. « Au début on était inspirés par World Cup, mais l’important pour nous était d’avoir des visages très différents – il y en a six cents dans le jeu, explique Pawel Stepanow, son directeur créatif. Ceux-ci sont inspirés par des footballeurs célèbres. On voulait mélanger les stars des années 1990 et d’aujourd’hui, avoir Barthez, Platini et Zidane dans l’équipe de France, mais pour des raisons de droits on ne pouvait pas mettre les noms. »

L’équipe de France dans Kopanito World Cup Soccer. | Merix Studios

Fort de la distribution numérique et du retour à la mode des jeux indés, Dino Dini, le créateur de Kick Off, a lui-même décidé de faire son retour dans le jeu vidéo, après deux décennies de retraite professionnelle – il enseignait à Amsterdam. « Le rêve d’un artiste est de faire ce pour quoi il est bon, le peintre veut peindre, le musicien composer ou jouer de la musique, ce que je sais faire, c’est concevoir des jeux de football qui rendent l’émotion du sport », explique Dino Dini. Dino Dini’s Kick Off Revival, prévu pour la seconde moitié du mois de juin, sort sur PlayStation 4, mais avec les codes d’antan : vue de dessous, tacles supersoniques, tenue de balle élastique et frappes frisbee.

Kick Off Revival - First Gameplay Trailer
Durée : 00:50

Il a failli ne pas être le seul. John Hare, le créateur de Sensible Soccer, a quant à lui lancé le financement sur Kickstarter d’une suite spirituelle baptisée Sociable Soccer, mais dont il a annulé la campagne faute de succès suffisant.

Le grand retour des jeux de « bagnoot »

Les nouveaux géants du football foufou sont toutefois aujourd’hui à chercher du côté du sport automobile en ligne. L’éditeur d’origine biélorusse Wargaming a intronisé dès 2014 un mode Tank Football au sein de son jeu World of Tanks.

Illustration de Tank Football 2016, un mode de World of Tanks. | Capture d'écran

Il lance à partir du 10 juin, jour du match d’ouverture du championnat d’Europe des nations, la troisième édition de ce mode festif, avec des terrains comme Himmelsdorf Area, Stade Eiffel et Old Tankford et des drapeaux pour toutes les équipes de l’Euro. « Avec l’absence de pieds, les joueurs doivent utiliser le canon de leurs chars afin de déplacer le ballon sur le terrain et faire trembler les filets adverses », fanfaronne Wargaming dans un communiqué.

« C’est assez logique pour nous : la majorité de notre public est masculin, et beaucoup d’hommes dans le monde aiment le football, particulièrement en Europe et dans les anciens pays soviétiques, explique à Pixels Maxim Chuvalov, responsable produit sur World of Tanks. En tant que développeurs, nous sommes fans de foot, donc c’était une idée de mode assez cool. »

Si un jeu fait toutefois phénomène, c’est Rocket League, des Américains de Psyonix. Lancé en juillet 2015 sur PC et PlayStation 4, il s’est imposé en quelques semaines comme l’une des succès de l’année 2015, sur un marché que l’on pensait pourtant cadenassé par FIFA et PES.

Rocket League, la nouvelle star des jeux de « bagnoot ». | Capture d'écran

Dans un récent entretien avec Forbes, Jeremy Dunham, le directeur du studio, revendiquait 15 millions de joueurs dont 4 millions actifs en avril. Basé sur un jeu similaire sorti dans un relatif anonymat en 2008, Supersonic Acrobatic Rocket-Powered Battle-Cars, il est l’aboutissement de cinq années de peaufinage et d’échange avec la communauté. Nouveau géant du jeu de football mécanique loufoque – ou « bagnoot », comme le propose le site Bakarangers – il a même pris de l’avance sur les autres titres du genre. En avril, Psyonix introduisait gratuitement un mode basket-ball sur roues.