Une Américaine musulmane tient une pancarte avec le mot d’ordre #NotInMyName (« pas en mon nom ») lors d’une veillée à Seattle, le 12 juin. | Lindsey Wasson / AP

L’enquête en cours du FBI devra dire, dans les prochains jours et semaines, le degré de connexion entre Omar Seddique Mateen et l’organisation Etat islamique (EI), à laquelle il aurait prêté allégeance quelques instants avant de passer à l’acte et de commettre la pire tuerie de masse de l’histoire des Etats-Unis en faisant au moins 50 victimes dans une boîte de nuit gay d’Orlando (Floride). Qu’il soit un « loup solitaire » autoradicalisé ou un agent « en mission » de l’organisation djihadiste, Omar Mateen a choisi une cible correspondant à ses obsessions personnelles tout autant qu’à l’idéologie de l’EI.

Selon une scène récente rapportée par son père, Mir Seddique, interviewé par la chaîne américaine NBC, « nous étions dans le centre-ville de Miami (…). Et [Omar Mateen] a vu deux hommes qui s’embrassaient devant les yeux de sa femme et son enfant, et il est devenu très énervé ». « Ils s’embrassaient et se touchaient et il a dit : “Regarde ça. Devant mon fils, ils font ça” », a ajouté M. Seddique, assurant que la fusillade de dimanche n’avait « rien à voir avec la religion ». A l’inverse, un ancien collègue de travail, Samuel King, lui-même homosexuel déclaré, le décrit comme indifférent à la question au milieu des années 2000 : « Ce qui me choque, c’est que la majorité du personnel du Ruby Tuesday’s lorsque j’y travaillais était homosexuel. Il n’était à l’évidence pas antihomosexuel, au moins pas à l’époque. Il ne manifestait aucune haine à notre égard. »

Toutefois, la tuerie d’Orlando intervient dans un contexte de montée croissante des tensions aux Etats-Unis autour de la question des droits homosexuels. Depuis la légalisation, par la Cour suprême, du mariage homosexuel, obtenue d’une courte majorité, des élus conservateurs mènent une véritable guérilla judiciaire, qui s’est cristallisée sur la question des toilettes que devaient utiliser les personnes transgenres. Une douzaine d’Etats, majoritairement dirigés par un gouverneur républicain, poursuivent en justice le gouvernement de Barack Obama sur ce thème.

L’EI dénonce « la déviance homosexuelle »

Sans doute pour écarter tout début de polémique sur leur responsabilité dans ce climat d’intolérance, voire de haine, envers la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres), les élus républicains ont préféré mettre l’accent, dans les heures qui ont suivi la tuerie d’Orlando, sur la piste djihadiste.

Il est vrai que la propagande de l’EI, diffusée notamment par le truchement de son mensuel en ­ligne Dabiq, accorde une place toute particulière à la dénonciation de la « déviance homosexuelle ». Dans le numéro de janvier 2015 de la revue, les propagandistes du « califat » vouent aux gémonies « la révolution sexuelle intervenue il y a cinq ­décennies en Occident », la « légalisation du mariage sodomite » et l’introduction, « dès la maternelle, de livres destinés à combattre “l’homophobie” ».

Le texte est agrémenté de photographies du traitement réservé aux homosexuels sur le territoire du « califat » : ils sont précipités du haut d’immeubles les yeux bandés. L’ONG de défense des droits des gays et lesbiennes Outright Action International a recensé 43 cas d’exécutions publiques à partir de vidéos mises en ligne par les propagandistes de l’EI. Toutefois, plusieurs témoignages de déserteurs du mouvement djihadiste font état de pratiques homosexuelles répandues au sein de l’EI, ainsi que de cas de viols de personnes du même sexe par des combattants de l’EI. Des pratiques étouffées par les condamnations à mort prononcées par les tribunaux du califat qui visent… les victimes.