Une éolienne près de Muzillac (Morbihan). | LOIC VENANCE / AFP

Argent, famille, immobilier… toutes les semaines, nous décryptons les derniers arrêts de la Cour de cassation et leurs conséquences.

  • Triple peine pour un couple d’acheteurs d’une éolienne

On peut être dans son droit, le faire reconnaître par la justice, et pour autant se retrouver 100 % perdant financièrement. Pour preuve, l’histoire de ce couple qui voulait alléger ses factures d’énergie…

Fin janvier 2012, Gérard et Ghislaine X. achètent une éolienne à crédit. Mais ils sont vite déçus par leur acquisition : leur facture d’électricité ne baisse pas. Ils souhaitent alors faire annuler le contrat de vente et le prêt, en assignant en justice à la fois le vendeur – la société Vensolia – et l’organisme de crédit – Sofemo. En liquidation judiciaire, Vensolia est représenté par son mandataire liquidateur.

Le tribunal d’instance de Saumur rejette la demande de nos acheteurs, qui décident alors de faire appel. Et voilà que le vent tourne en leur faveur : début 2015, la cour d’appel d’Angers annule le contrat de vente ; ainsi que le prêt, indissociable de l’achat.

Son raisonnement est le suivant : même si, dans le contrat, Vensolia ne s’est engagé sur aucune rentabilité financière de l’éolienne, la société a fait espérer ses clients car sa plaquette publicitaire stipulait que l’installation permettait « d’alimenter le foyer en électricité ».

« La cour d’appel est allée loin en matière de protection du consommateur, analyse Benoît Coussy, avocat spécialiste de l’énergie. Le juge a fait entrer la publicité dans le champ contractuel, en rappelant que le champ contractuel, ce n’est pas que le contrat lui-même, c’est aussi l’information donnée par le vendeur. »

Par ailleurs, la Cour a aussi débouté la société Sofemo, qui demandait que le couple soit condamné à lui rembourser les sommes prêtées.

Tout est bien qui finit bien pour Gérard et Ghislaine X. ? Pas vraiment… Car Sofemo porte l’affaire devant la Cour de cassation. Si celle-ci approuve l’annulation du contrat de vente et du crédit, elle juge que les emprunteurs doivent rembourser le prêt.

Pas surprenant : « Quand un contrat est annulé, on revient à la situation qui prévalait avant », rappelle Benoît Coussy. Ici, deux contrats sont annulés : l’éolienne et l’argent prêté doivent revenir à leurs propriétaires initiaux.

Gérard et Ghislaine X. sont « les dindons de la farce, note l’avocat. Ils doivent rendre l’éolienne, mais aussi rembourser l’argent emprunté, et en une fois plutôt que par mensualités. Et rien ne dit qu’ils seront un jour remboursés par le vendeur, en liquidation judiciaire. S’ils avaient été bien conseillés sur les conséquences de l’annulation du contrat, ils n’auraient certainement pas lancé la procédure ».

Pour se consoler, ils peuvent toujours se dire que la justice leur a donné raison. Une belle victoire… à la Pyrrhus !

  • En indivision, on peut devoir payer l’indemnité d’occupation, même en l’absence d’occupation

En indivision, si un des propriétaires « use ou jouit de manière privative » du logement, il doit verser une indemnité d’occupation aux autres, dit l’article 815-9 du Code civil. Mais quand considère-t-on, concrètement, qu’il y a usage privatif ? Lorsque certains propriétaires n’ont pas la clé, et que ceux qui l’ont ne prouvent pas l’avoir mise à disposition des autres, a reprécisé le 31 mars la Cour de cassation, qui était amenée à se prononcer à ce sujet dans deux affaires distinctes.

Dans une première histoire aux allures de feuilleton, deux couples (Lucien et Michelle d’une part, leur fille et son mari Marie-Agnès et Michel d’autre part) ont acheté un immeuble en indivision. Nous sommes à Gerbéviller (Meurthe-et-Moselle) dans les années 1970, chaque couple occupe un étage.

Plusieurs décennies plus tard, Lucien, Michelle et Marie-Agnès sont morts. L’immeuble est toujours possédé en indivision : d’une part par le fils de Lucien et Michelle, Xavier, d’autre part par Michel et son fils Florent, qui habitent encore leur étage.

Se plaignant de ne pas jouir du bien, qui n’a qu’une porte d’entrée et dont il n’avait pas les clés, Xavier avait demandé une indemnité à Michel et Florent, pour l’occupation privative du bien. Il obtient gain de cause : la Cour de cassation rappelle que si un indivisaire ne peut utiliser le bien, alors on considère qu’il y a jouissance privative des autres indivisaires et que ces derniers doivent payer une indemnité.

Dans la seconde affaire, Roger X meurt fin 2007, laissant une maison en indivision à ses trois enfants, Dominique, Richard et Catherine. Nous voilà à Chindrieux, en Savoie. L’immeuble a beau être inoccupé depuis le décès (ni habité par un membre de la fratrie, ni en location), la Cour de cassation conforte Dominique dans sa demande d’indemnité d’occupation à l’encontre de son frère et de sa sœur : ces derniers avaient changé les serrures et n’ont pas prouvé avoir mis les clés à sa disposition.

On peut donc devoir payer une indemnité d’occupation sans occuper le bien en question, et sans en profiter financièrement.