Yannick Jadot à Paris en 2014. | Christophe Morin / IP3

Yannick Jadot, député européen Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et l’un des promoteurs, en janvier, d’une primaire de toute la gauche, réagit à l’initiative de Jean-Christophe Cambadélis.

La primaire telle qu’envisagée par M. Cambadélis est-elle une bonne nouvelle ?

Je ne sais pas ce que signifie « gauche de gouvernement ». Socialistes, écologistes et communistes ont gouverné ensemble sous Jospin ! S’il s’agit de la primaire de ceux qui soutiennent la ligne politique de ce gouvernement, ça ne sera qu’une opération vouée à l’échec pour relégitimer François Hollande. Mais si elle est socialiste et ouverte, elle peut réduire le nombre de candidatures issues des rangs du PS et maintenir l’hypothèse d’une perspective plus large. Mais en l’état, elle n’empêche pas la grande dispersion à gauche.

Signifie-t-elle que la primaire de toute la gauche est enterrée ?

Si on prend la situation d’aujourd’hui, oui. J’ai pris acte de la position du PCF et d’EELV, qui refusent une primaire avec Hollande. On a une gauche qui, « toute mouillée », pèse un tiers de l’électorat. Le débat foireux sur la déchéance de nationalité et celui, tout aussi foireux, sur la loi El Khomri ont brutalement accru les tensions en son sein. Mais quelles que soient les positions prises ici ou là, ça ne résout rien. Je veux croire qu’il reste un petit trou de souris, que les partis politiques regarderont enfin ce paysage politique dévasté avec lucidité et prendront la responsabilité de se dépasser pour débattre, s’engueuler si besoin, et tenter de dessiner ensemble les contours d’un projet porteur d’espoirs pour la France.

Un nouveau 21 avril est, selon vous, inévitable ?

Si chacun renvoie aux autres la responsabilité de la division, le crash va forcément se réaliser. Le fait que Mélenchon arrive à faire 15 % face à un Hollande qui fait 14 %, c’est peut-être très sympa pour ceux qui le soutiennent mais ça reste au mieux la moitié du score de la droite ou du FN. Pour que ce trou de souris puisse s’élargir, François Hollande doit rendre un grand service à la gauche et ne doit pas se représenter. Injustement ou non, il est devenu le point de blocage qui empêche qu’un débat, compliqué mais pas impossible, s’organise entre ces différentes sensibilités de gauche.

« Injustement ou non, Hollande est marqué par un rejet très fort de l’opinion publique » 

Si M. Hollande n’est pas candidat, il y a de fortes chances pour que M. Valls le soit…

Dans une primaire de gauche et des écologistes, je ne crois pas une seconde que la ligne de Valls gagne. Je veux donner l’espoir qu’avant 2017, il y ait un espace pour une gauche moderne, proeuropéenne et écologiste qui soit majoritaire. De toute façon, si on exclut la confrontation de ce pôle avec le social-libéralisme d’un Macron, le républicanisme autoritaire d’un Valls ou le national-étatisme d’un Mélenchon, si on ne bâtit pas les alliances nécessaires, on disparaîtra du paysage pour les dix prochaines années. Dans un tel contexte, une droite très dure gagnera en 2017. Cinq ans plus tard, l’alternance, ce ne sera pas la gauche mais l’extrême droite.

N’est-il pas déjà trop tard pour organiser une primaire de toute la gauche ?

Je suis d’accord, c’est un calendrier compliqué. Mais regardez ces sondages catastrophiques pour le chef de l’Etat. C’est quoi l’alternative ? Qu’il se présente et qu’il soit humilié en étant troisième ou quatrième ? Nous serons humiliés collectivement. Injustement ou non, Hollande est marqué par un rejet très fort de l’opinion publique qui exclut toute possibilité de gagner en 2017.

Vous avez déjà indiqué votre soutien à Nicolas Hulot mais s’il n’est pas candidat, envisagez-vous de vous présenter à la présidentielle ?

Oui. Contre les nostalgies régressives que nous servent la plupart des partis sur le mode « c’était mieux avant », je veux défendre une écologie qui nous projette positivement vers l’avenir pour redonner du pouvoir démocratique aux citoyens, moderniser l’économie, retrouver l’envie de la solidarité et le plaisir de la diversité. Contre les replis nationalistes, je veux défendre l’absolue nécessité d’une nouvelle souveraineté européenne qui régule cette mondialisation libérale. Si Hulot n’est pas candidat, il faudra trouver le moyen qu’une candidature écolo incarne bien au-delà d’EELV. Et le processus interne de désignation ne devra pas abîmer cette candidature et éviter les chamailleries qui ont tellement pollué notre image.